Si les problèmes d’imposture des forces spéciales d’un côté et quelquefois l’inefficacité du pouvoir politique de l’autre restent prégnants, des solutions vigoureuses s’imposent pour arrêter ce mouvement de balancier entre coup d’État militaire et régimes issus d’élections. Sur le plan militaire, les actions peuvent porter sur 3 points complémentaires :
-Il convient tout d’abord de continuer et approfondir les réformes des forces de défense et de sécurité en vue de sa plus grande efficacité et professionnalisation. Les académies militaires au Nigeria peuvent servir de référence en termes de formation.
-Sur le plan sociologique et surtout en Guinée, il convient de travailler sur les procédures de recrutement dans l’armée. L’image d’une armée perçue comme corps de recyclage des hommes irrécupérables pour la société doit changer. L’armée ne doit plus être une deuxième ou troisième chance pour les gens qui ont un comportement déviant pour la société.
-Et enfin, sur un plan purement symbolique, les honneurs militaires doivent être renforcés et multipliés au titre de la démonstration d’une soumission séculaire du pouvoir militaire au pouvoir civil, indispensable à l’instauration durable de la démocratie.
Sur le plan politique, nous proposons un substitut démocratique au coup d’État
Nous appelons, en effet, à doter nos pays d’outils démocratiques dont l’existence décrédibiliserait et disqualifierait tout recours à la force au nom du peuple. La procédure de révocation des dirigeants vis-à-vis desquels les mécontentements du peuple subsistent peuvent être un recours à cet effet. C’est un moyen de donner au peuple la possibilité d’écourter par lui-même le mandat d’un élu déviant.
Il s’agira notamment en Guinée de prévoir dans la prochaine Constitution, une telle disposition, qu’il conviendra toutefois d’encadrer et de faire accompagner par des mesures rendant sa mise en œuvre possible, effective sans obstruction possible des dirigeants concernés. Un tel procédé existe dans l’État américain de Californie sous l’appellation de « Recall. »
La stabilité de notre sous-région et la hausse de la pauvreté sont en jeu. Les élites militaires et les forces spéciales doivent se contenter de satisfaire leurs missions de défense et de protection de nos États au prix de la mise à leur disposition des moyens nécessaires à la réalisation de celles-ci.
Les pouvoirs civils doivent, quant à eux, se montrer plus démocratiques au bénéfice de leurs populations tout en veillant à couper l’herbe sous une quelconque possibilité de renversement avec l’onction populaire. Cela passe aussi par une très grande culture de transparence dans la gouvernance, l’indépendance de la justice et le renforcement des institutions démocratiques.
Se résigner face à ces juntes serait suicidaire pour notre sous-région et contribuerait à normaliser les coups d’État. Dans une telle situation, aucun pouvoir civil ne sera jamais à l’abri d’un coup d’État, peu importe ses performances démocratiques. Car n’importe quel chef militaire avec des armes et quelques éléments sera capable de renverser n’importe quel pouvoir civil avec le soutien de toute l’armée.
Il est donc temps de mettre fin à cette spirale. D’où les propositions formulées ci-dessus pour faire face à cette double imposture des forces spéciales.
Karamoko Kourouma