Reporters sans frontières (RSF) dénonce les très lourdes sanctions pénales dont ont été menacés tous les responsables de radios privées qui ne seraient pas à jour du paiement de leur licence annuelle. L’immense majorité de ces radios très fragiles économiquement ont cessé d’émettre par crainte de représailles.

Ils risquent jusqu’à 3 ans de prison ferme. En Guinée-Bissau, les autorités ont menacé les responsables de radios privées de sanctions pénales s’ils ne s’acquittent pas du paiement de leur licence, soit 250 000 francs CFA (environ 380 euros). L’annonce a été faite par le ministère de la Communication dans un décret publié mardi 12 avril. Pour le moment, la très grande majorité des radios ont cessé leur activité par crainte de représailles. Seules 12 des 88 radios privées et communautaires du pays ont pu s’acquitter du paiement.

Le 7 avril, le gouvernement avait fait une première injonction aux radios n’ayant pas payé leur licence de cesser d’émettre, amenant à la suspension de la radio d’opposition Bombolom FM. Le coût de cette licence est très élevé pour les radios, qui ne font quasiment pas de recettes et ne sont pas subventionnées par l’Etat, contrairement à la presse écrite.

“Cette décision est particulièrement scandaleuse compte tenu de l’environnement économique très difficile dans lequel les médias évoluent, et surtout de l’échec des autorités à mettre en place des stratégies de soutien durable pour les médias, déclare le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF, Sadibou Marong. Dans le contexte politique actuel particulièrement trouble du pays, difficile de ne pas y voir des menaces visant à maintenir les médias aux ordres. Nous demandons aux autorités de revenir sur leur décision et de privilégier le dialogue si elles ne veulent pas que cette mesure soit uniquement perçue comme leur volonté de réduire au silence les voix critiques.”

Des responsables de radios privées ciblées dénoncent une situation très grave pour la liberté d’expression dans le pays. Cette décision est une “menace sérieuse” et une “parfaite illustration de la persécution acharnée du gouvernement” à l’encontre de la liberté de la presse et de Capital FM, selon Umaro Sané, un journaliste de ce média proche de l’opposition déjà fermé en raison des attaques dont il a fait l’objet en février dernier. Le domicile de son confrère et collègue Rui Landim, animateur de l’émission d’actualité « Pontos Nos I’s » (Points sur les I) diffusée sur Capital FM, avait été visé par des tirs de kalachnikovs le 8 février. La veille, cette radio avait également été attaquée par des hommes armés encagoulés ayant fait plusieurs blessés.

Ces attaques et menaces répétés contre les journalistes et les médias interviennent dans un contexte sécuritaire et politique particulièrement trouble depuis les événements du 1er février, présentés par le président en exercice Umaro Cissoco Embalo comme une tentative déjouée de coup d’Etat.

La Guinée Bissau figure à la 95e place du Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2021 par RSF.

Reporters Sans Frontières