Le terme Énumérer paraît quelque peu impropre, mais il s’impose. Il aurait fallu parler du bilan cumulé du colonel Doum-bouillant et du CNRD à l’issue des six mois d’exercice effectif du pouvoir. L’entreprise serait présomptueuse face à la méconnaissance des objectifs précis de la junte, du chronogramme et de la durée de la transition. Comme le veut un dicton de chez nous, il est malaisé de n’écouter qu’un seul son de cloche. La boussole étant connue au moins, l’on est sûr de ne pas perdre le Nord. Mais est-ce le cas pour la destination ? Est-on sûr d’y arriver avant d’être essoufflé. C’est où déjà ? Rien ne doit relever du hasard. Surtout que Charles Wright a prononcé le mot : « La loi doit être la boussole de la boussole. » Est-ce une tautologie ou une complémentarité ? Parle-t-on de la même justice ?
Si oui, nous pouvons applaudir à tout rompre, sûrs que nous arriverons à bon port, avec un confort partagé, quelles que soient la durée et la distance. La justice étant la boussole de la junte ; la loi, celle des juges, l’orientation aura été impeccable. Grognons de nature, les Guinéens seront réduits à un silence juste et compréhensible. En revanche, si l’expression renferme une contradiction in nomine, il faudra nécessairement demander à l’une des boussoles de bien accepter de se soumettre aux exigences de l’infinitif. Et bonjour la subordination, la subornation, la subjectivité, et j’en passe !
En tout état de cause, personne ne nous blâmera si nous choisissons de rester côté jardin en attendant que le temps apporte son grain de sel aux vraies intentions du CNRD. En attendant, on peut passer le temps à compter, aligner, lister, énumérer les nombreuses « premières » déjà obtenues en Guinée depuis le 5 septembre 2021. Malheureusement, c’est par Alpha Condé qu’il faut commencer. Voilà un président de la république qui choisit d’abandonner tous les services sociaux de base du pays pour acquérir à grands frais, un logiciel de surveillance en vue de mettre tout le peuple en coupe réglée, sans voir le curseur se promener sur les hommes que Mamadi a envoyés doum-bouillonner jusque dans la salle de bain de Sékhoutouréya. Nul besoin d’être familier avec « des marchands de sécurité » pour classer cet exploit parmi les premières mondiales.
Quant à Doumbouya lui-même, il ne doit recourir à aucun livre d’histoire de la Guinée pour se rendre compte qu’aucun membre des forces, qu’elles soient générales ou spéciales, n’a perpétré de coup d’État contre un président vivant depuis l’accession à l’indépendance de ce pays des complots permanents. L’on n’avait jamais vu des journalistes croiser des vendeuses de cacahuètes dans les couloirs de la télévision nationale le jour même où le kalachnikov a remplacé le bulletin de vote pour acclamer un président sortant. Par ailleurs, Winston Churchill a dit qu’il vaut mieux faire de ses anciens prisonniers des premiers ministres que de faire de ses anciens Premiers ministres des prisonniers. La junte guinéenne a trouvé mieux. Elle a sagement attendu que les ex- de la primature prennent des allures de patrons contestés de partis politiques, des sans domicile fixe ou carrément des zombies en puissance, pour se pencher sur d’anciennes gouvernances pourries. Dans « l’opération : mains propres » en cours, seuls les premiers malfrats peuvent s’inquiéter. Peut-être à juste titre, cette fois-ci.
Diallo Souleymane