Dans un décret du 21 avril, le colonel Doum-bouillant a procédé à des nominations et mutations de robins dans les cours et tribunaux du bled. Suspendu depuis quelques mois, le désormais ancien pro-crieur de la République près le tribunal de Dixinn a été muté à la Basse-Cour suprême. Une promotion qui suscite ire et déception.

C’est un mauvais signal qu’envoie Mamadi Doum-bouillant, le « refondateur » de notre bled qui voulait faire de la justice sa boussole, en promouvant Sidy Souleymane Ndiaye, avocat général à la Cour suprême de Cona-cris. « Ce procureur du troisième mandat » s’était illustré dans la poursuite tous azimuts des opposants au changement constitutionnel par Alpha Grimpeur. Il était devenu le bras judiciaire armé de feu le régime d’Alpha Grimpeur.  

L’ancien pro-crieur de la République près le tribunal de première instance de Dixinn avait été suspendu après la fuite, début octobre dernier, d’un audio dans lequel on l’entend supplier Alphonse Charles Wright, alors juge, de condamner un opposant au 3e mandat. « Je vais vous parler franchement, je suis quelqu’un de direct. Je le fais avec tous les juges : j’ai reçu des instructions. On m’a dit : faites en sorte qu’il reste jusqu’après les élections », plaide-t-il. Il est pour Oumar Sylla alias Foniké Menguè, ancien responsable de la mobilisation du FNDC, devenu son coordinateur national.

Moralité douteuse

Arrêtés et condamnés à plusieurs reprises en marge des manifs contre le troisième mandat d’Alpha Grimpeur, Foniké Menguè et ses pairs du FNDC ont toujours dénoncé des procédures politiques. « Ce dossier, quand on nous l’a déféré, il n’y avait rien dedans, poursuit le procureur. J’ai fait jouer mon expérience. Je vous fais confiance, convaincu que vous n’en parlerez pas ». Se montrant rassurant, le robin répond : « Pas du tout ! » « Quelque chose m’a dit qu’il y a une infraction qu’on appelle divulgation de fausses informations, reprend Sidy Souleymane Ndiaye. Les propos qu’il a tenus à la radio, comme il ne peut pas en apporter la preuve, je vais le poursuivre pour cette infraction. Le parquet était embarrassé, on lui a dit de poursuivre coûte que coûte. N’eût été mon expérience, je devais classer le dossier. Au moment où j’instruisais ce dossier, on m’a envoyé des éléments tirés de sa page Facebook. J’ai bondi sur l’occasion, en le poursuivant pour menaces. Ça fait deux procédures ! (…) Je vais requérir deux ans de prison, pour préserver ton image. Dans huit mois, les élections auront lieu, le président installé ».

Malgré l’assurance du magistrat, il acquittera, à la surprise générale, Foniké Menguè. Charles Wright, lui, sera muté à Dubréka, avant d’être remis en selle par le CNRD qui l’a nommé pro-crieur général près la Cour d’appel de Cona-cris. Ce qui paraissait cadrer avec la promesse du prési de la Transition de rendre à la justice son indépendance. Paradoxalement, le voilà qui nomme un robin à la moralité douteuse à une fonction réservée aux « sages ». De quoi provoquer l’ire et la déception dans l’opinion.

Doum-bouillant place ses pillons

Dans une tribune, Sékou Koundouno du Front national pour la défense de la Constitution déplore « le retour aux affaires de certains magistrats qui ont fait tant de mal au pays et en particulier aux militants pro démocratie. Des personnes qui n’ont pas hésité à utiliser les moyens de l’État pour réprimer les voix dissonantes. Ces personnes devraient se retrouver à leur tour devant les tribunaux, pour avoir pris des décisions illégales et lourdes de conséquences contre des innocents ». Et de constater que « les personnes qui ont contribué à l’affaissement de l’État ne peuvent pas participer à sa refondation, c’est impossible ! »

Le décret du colonel Doum-bouillant touche l’administration centrale du secteur de la justice, à travers l’Inspection générale des services judiciaires et pénitentiaires, tout comme les services déconcentrés à savoir les Cours et Tribunaux. La Cour de répression des infractions économiques et financières, quoique nouvellement créée et meublée, n’a pas été en reste. Mohamed Diawara, élu président de l’Association des magistrats de Guinée, membre de la chambre de jugement, a été expédié comme pro-crieur au tribunal pour enfant. Alors que le jeune magistrat a enchaîné ces derniers temps des formations sur la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et la lutte contre le terrorisme. Morlaye Soumah, jusque-là président de la Chambre spéciale de contrôle de l’instruction, a été, quant à lui, parachuté avocat général à la Cour d’appel de Kankan. A l’inverse, plusieurs autres robins ont fait leur entrée à la CRIEF.

Diawo Labboyah