De toutes les transitions en cours en Afrique de l’Ouest, celle de la Guinée peine particulièrement à se frayer un chemin clair et net. Sept bons mois de tergiversations, d’hésitations, de fourvoiements de toutes sortes. Le CNRD qui dirige le pays depuis le 5 septembre 2021, ne manque pas de bonne volonté mais peut-être de cran, pour prendre ses responsabilités devant le peuple de Guinée auquel il a tout promis. Qui a cru en lui. Qui l’a écouté avec une attention soutenue. Sûr qu’il a fait sa révolution de palais sans demander l’avis des Guinéens. Nul besoin de le faire, vu l’ampleur du mal du régime Condé. Le palais n’était plus que la hantise du citoyen lambda. Maintenant, le doute est permis. Cette gestion du pays, apparemment hasardeuse qui s’offre à nos yeux, risque de nous conduire dans le gouffre. Si ce n’est déjà fait.

Le Colonel Mamadi Doumbouya n’a jusqu’à présent pas dit aux Guinéens ce qu’il veut faire et en combien de temps il peut le réaliser. Se cache-t-il derrière l’argument que ce sont les Guinéens qui détermineront la durée de la transition ? S’agit-il là d’arguments crédibles à l’origine qui ont fini par justifier une transition longue, indûment longue ? Le vrai dialogue avec les Forces vives de la nation, annoncé dans la Charte de la transition pour limiter la durée de celle-ci n’est-il pas renvoyé de fait aux calendes grecques ? Les Assises semblent avoir perdu leur ferveur, leur priorité d’antan. Elles auraient dû être un des points du dialogue réclamé des acteurs politiques et de la société civile. Surtout que le CNRD se voit accusé par plus d’un Guinéen d’avoir mis au second plan les crimes de sang commis ces dernières années. Le bienfaiteur du 5 septembre 2021 ne veut-il plus continuer à jouer le rôle qu’il a promis à la nation qui avait pourtant applaudi à tout rompre à la faveur du coup de force manifestement illégal qui l’a installé au pouvoir ? A moins qu’il ne craigne d’être soupçonné d’avoir une partie de sa main dans la répression sanglante des opposants contre le troisième mandat. Ne vous étonnez pas d’entendre que les autres présumés auteurs de cette répression sanglante de l’opposition surfent sur votre crainte pour battre en brèche le jugement des crimes de sang.

Il est inconcevable que, de peur de heurter la sensibilité de l’ancienne garde prétorienne d’Alpha Condé, le Colonel opte pour le refus de publier la liste des membres du CNRD. Sauf que ce ne sont ni les gendarmes ni les policiers ni les douaniers, encore moins la marine, l’armée de terre, l’armée de l’air ou le Bataillon autonome des troupes aéroportées qui ont gâché la grâce matinée dominicale d’Alpha Condé le 5 septembre 2021. Mais le Groupement des Forces spéciales de Kalia. Colonel, la population guinéenne est quasi certaine que vous ne manquez pas de cran pour assumer toutes les responsabilités de la transition.

Vous voulez moraliser la gestion administrative ? Oui, mais les Guinéens attendent toujours la déclaration de vos biens ainsi que celle des membres du gouvernement jusqu’aux directeurs des régies financières. Pour le moment, les Guinéens apprécient à sa juste valeur le retour dans le domaine  de l’État, l’immeuble que vous aviez baillé à la corniche de Dixinn, même si les conditions d’acquisition présentent encore quelques zones d’ombre.

L’agenda de la transition reste un mystère tout comme les intentions réelles du Colonel Mamadi Doumbouya. Il faut espérer qu’elles diffèrent de l’ami et collègue Goïta du Mali !

Abdoulaye S. Camara