La durée de la Transition est maintenant connue : 39 mois ou encore 3 ans et 3 mois. Le Président de la Transition l’a annoncé le vendredi, à Boffa où il s’est rendu pour rendre hommage aux pèlerins chrétiens. Il a considéré ce délai comme la médiane des multiples propositions. La mathématique a tranché un épineux problème politique.

L’intellectuel allemand Habermas a écrit un excellent livre sur « La science comme idéologie » dans lequel il explique que la science a été souvent manipulée, dans l’histoire pour justifier des idéologies. Comme on n’est pas excessivement cartésien en Afrique, on est toujours friand des annonces et des pratiques superstitieuses, l’utilisation du chiffre 3 et de ses multiples est-elle si fortuite ? Est-ce les incantations d’un féticheur ou d’un marabout ? On peut toujours gloser ! On peut aussi hasarder que pour s’octroyer un délai de 3 ans, à partir du 05 septembre 2022, afin de dérouler son chronogramme, la junte s’offre un bonus de neuf mois. Mais l’essentiel est ailleurs. Le délai de 3 ans 3 mois est-il justifié, pertinent ? On n’ignore pas que les activités requises par une transition apaisée, réussie et exemplaire sont multiples mais aussi particulièrement exigeantes et éprouvantes.

En Guinée, on peut citer entre autres tâches, la mise en place des organes de la transition dont le CNT, l’élaboration de la constitution et son adoption par référendum, la mise en place de l’organe de gestion des élections (CENI réorganisée ?), le recrutement d’un opérateur, la révision de la liste électorale, l’établissement d’un fichier consensuel nettoyé de tous cookies, etc.

Bien avant le CNRD et depuis 1993, le pays est coutumier des processus électoraux qui s’améliorent progressivement même si leur qualité reste loin, encore bien loin, des standards internationaux. En d’autres termes, le pays dispose d’une expertise, aussi faible soit-elle, en matière d’organisation d’élections. La capitalisation des expériences permettrait de gagner du temps, de minimiser les délais et d’améliorer la performance des hommes. L’apport des partenaires en technologie électorale (équipements, savoir et savoir-faire) en progrès, complète les outils d’accélération de la mise en œuvre d’un chronogramme électoral.

On comprend que dans ces conditions, l’écrasante majorité des formations politiques et une importante frange de la société civile soient vent debout contre la proposition du Chef de l’Etat. Le RPG arc-en-ciel, l’ANAD (UFDG) et l’UFR, trio de tête des élections depuis 2010, la rejettent. Le FNDC et bien d’autres plates-formes sociales épousent une posture semblable. Ceux qui rament à contre-courant, tel que Dr Faya Millimono, ne sont pas légions.

La détermination du Colonel Mamadi Doubouya paraissant inébranlable, l’affrontement semble inévitable. Le syndrome des événements de l’année 2009 avec les scènes de barbarie du stade du 28 septembre donne des sueurs froides.

Toutefois les propos du Président de la Transition sont une lueur d’espoir. Il n’y a pas de sujet tabou, ni d’obstacle rédhibitoire.

Abraham Kayoko Doré