Après des décennies de mauvaise gouvernance et ses conséquences désastreuses, la Guinée, réputée être le pays des rendez-vous manqués, se retrouve encore à la croisée des Chemins.

La junte, aux commandes depuis le 5 septembre 2022, date de la fin brutale du règne d’Alpha Condé, vient de décliner la durée de la transition qui devrait aboutir à l’élection d’un Président civil. La transition dirigée par le Colonel Doumbouya annonce de grandes réformes juridique, économique, sociale et foncière. La majorité de la population salue les actes posés par la junte jusqu’à maintenant. Nombreux sont sceptiques quant à l’issue de la transition. La question cruciale : la junte parviendra-t-elle à organiser des élections libres, démocratiques, transparentes et crédibles comme elle le promet ?

Le CNRD, bien des Guinéens, à tort ou à raison, le taxent d’être le RPG sans Alpha Condé : accusé de nominations à relent ethnique et régionaliste, de complaisance vis-à-vis des barons du régime défunt malgré les poursuites déjà annoncées, le CNRD risque d’être confronté à des sérieuses difficultés dans l’organisation et la conduite de ces élections dans la neutralité et l’impartialité. Malgré ses déclarations de bonne intention, la junte au pouvoir est soupçonnée par certains acteurs politiques et de la société civile d’avoir un agenda caché voire une appartenance politique dans la lutte en perspective pour le contrôle du pays.

La récupération des domaines supposés appartenir à l’Etat et les méthodes utilisées contre les anciens premiers ministres et dirigeants des grands partis politiques de l’opposition confortent ces soupçons et commencent à créer une certaine méfiance vis-à-vis des dirigeants de la junte.

La Guinée parviendra-t-elle cette fois à rompre avec la tradition des élections bâclées comme celles de 2010, qui ont vu l’avènement d’Alpha Condé au pouvoir ? C’est un pronostic difficile quand on connait la place qu’occupent la communauté et la tribu dans la vie politique nationale. Le CNRD et le Conlonel Mamadi Doumbouya pourront-ils résister aux pressions communautaires et autres clans et réseaux d’influence ? Bien malin qui pourra nous le dire.

En tout état de cause, le Colonel Mamadi Doumbouya a eu la chance d’arracher le pouvoir à Condé et Cie au moment où la Guinée et les Guinéens étaient à l’agonie. Cela lui a donné une certaine légitimité, lui a permis d’imposer à ces concitoyens et au monde un chronogramme à sa guise. L’indélicatesse du pouvoir de Condé et la lutte acharnée de l’opposition et du FNDC ont servi de base au colonel et à sa suite de régner sans grande opposition, une forme de légitimité dans l’illégalité.

Des interrogations et non des moindres persistent au sein de l’opinion. La justice sera-t-elle la boussole de la gouvernance Doumbouya comme annoncée ? Les poursuites récemment annoncées par le procureur Charles Wright aboutiront-elles ? Ou bien serviront elles à se débarrasser des pions gênants tant parmi les barons du régime défunt que de l’opposition ?

Si jusqu’à maintenant la junte continue de bénéficier d’un état de grâce, rien ne prouve que cela va continuer. La révision du fichier électoral ou le recensement général de la population, la détermination des conditions de participation aux élections locales, législatives et présidentielle en perspective réservent bien des surprises, pour qui connait la Guinée. L’opposition et le FNDC commencent déjà à retrousser les manches en annonçant la reprise des manifestations de rue pour se faire entendre, même s’il est difficile pour le moment de justifier de telles menaces.

L’âge du colonel Doumbouya, les actes déjà posés malgré des couacs constatés et décriés çà et là, l’exaspération du peuple, les annonces du colonel ainsi que les bonnes intentions et les reformes déjà engagées constituent des points forts sur lesquels il devrait bâtir, mais la réussite dans la préparation et l’organisation des élections crédibles et acceptées de tous  détermineront la réussite de la transition guinéenne et celle du CNRD. C’est la réussite des élections qui permettra à la Guinée de reprendre le chemin de la stabilité et du développement économique et social d’une part, et d’autre part au Colonel Doumbouya de sortir par la grande porte. Les enjeux sont énormes et le CNRD est sous les loupes.

Au Colonel Doumbouya de tenir parole et de mériter la confiance placée en lui, en organisant des élections libres, indépendantes et crédibles, dans l’impartialité, dans la neutralité, dans les délais fixés. Tiendra-t-il jusqu’au bout ? Attendons de voir.

Boubacar Siddy Dieng

Citoyen guinéen