L’Afrique célèbre ce 25 mai les 20 ans de l’Union africaine (UA). Terrorisme, mauvaise gouvernance, crise sanitaire, alimentaire et climatique, chômage…Plus que par le passé, les défis sont toujours plus nombreux et parfois plus complexes, rendant plus ardue la tâche de les relever avec succès, résume Moussa Faki Mahamat, président de la commission de l’UA dans son discours ci-dessous.
Africaines, Africains,
Chères sœurs et chers frères du Continent et de la Diaspora
En ce jour de célébration de la journée de l’Afrique, je suis très heureux de vous exprimer mes vœux de santé et prospérité, à chacun et chacune de vous, que vous soyez des Iles ou de la Diaspora.
La date du 25 mai porte en elle un double pouvoir d’évocation. Au plan mémoriel, elle nous replonge dans la fraicheur juvénile des premiers moments de l’OUA. Au niveau géopolitique et institutionnel, elle nous interroge en permanence sur notre capacité individuelle et collective à construire l’Afrique alors rêvée par nos pères fondateurs.
Dans la trajectoire de son évolution, l’OUA s’est muée en Union africaine, manifestant ainsi une rupture de paradigme pour cause d’ajustement stratégique et d’efficacité opérationnelle avec pour seul objectif de donner corps et consistance à « l’Afrique que nous voulons ». Plus que par le passé, les défis sont toujours plus nombreux et parfois plus complexes, rendant plus ardue la tâche de les relever avec succès.
Ainsi, l’Afrique est, depuis une dizaine d’années confrontée aux défis du terrorisme, de l’extrémisme violent et de la criminalité transnationale (trafic d’êtres humains, de drogue, d’armes). Le terrorisme en particulier ne cesse de gagner du terrain. Aujourd’hui, de nombreux Etats consacrent une bonne partie de leurs ressources et leurs énergies pour lutter contre ce phénomène ou pour s’en prémunir, privant ainsi des secteurs vitaux tels que la santé et l’éducation des moyens dont ils ont besoin.
Le Continent fait par ailleurs face aux désastres générés par la mauvaise gouvernance que n’arrivent plus à dissimuler l’exigence de transparence imposée par une population de plus en plus ouverte au monde par le biais des nouvelles technologies de l’information et communication.
Les phénomènes tels que la corruption, les conflits intercommunautaires, les vagues récentes de changement anticonstitutionnels, etc… sont les avatars les plus visibles de cette gouvernance.
Le chômage massif des jeunes et la précarité persistante des femmes du Continent sont d’autres défis qui nous interpellent et nous obligent à des réponses urgentes, car cette catégorie de la population africaine n’accepte plus d’être une spectatrice passive de son destin.
A toutes ces contraintes s’ajoute la crise économique qui s’abreuve du fardeau de la dette, de la crise climatique et énergétique qui, elle-même retentit sur les prix des denrées alimentaires à travers le coût exorbitant du transport, tandis que la crise sanitaire consécutive à l’apparition de la covid-19, affaiblit les capacités de production des différents agents économiques.
Plus récemment, l’Afrique est devenue la victime collatérale d’un lointain conflit, celui opposant la Russie à l’Ukraine. En bouleversant en profondeur le fragile équilibre mondial géopolitique et géostratégique, il a également projeté une lumière crue sur les fragilités structurelles de nos économies.
Le signe le plus emblématique de ces fragilités se trouve dans la crise alimentaire consécutive aux désordres climatiques, a la crise sanitaire de la Covid 19, amplifiée aujourd’hui par la guerre en Ukraine. Cette crise se caractérise par un rétrécissement de l’offre mondiale en produits agricoles et une forte inflation du prix des denrées alimentaires.
Alors, que faire face à tous ces défis ?
L’Union africaine a réagi rationnellement à travers une série d’actions et une production normative abondante déclinée en décisions, conventions et en stratégies définissant les mécanismes d’action en vue de parvenir aux objectifs souhaités.
Il y a par exemple la courageuse réforme institutionnelle de l’Union africaine engagée depuis 2016 et dont le but est d’améliorer la gouvernance de l’Institution et faire d’elle un acteur clé dans le multilatéralisme.
Il y a ensuite la Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECAf) entrée en vigueur en 2021, qui fait de l’Afrique le plus grand marché commun du monde et constitue un accélérateur de l’intégration continentale. Elle vient renforcer les mesures prises en matière de libre circulation des personnes et des biens.
Volontarisme et solidarité se sont manifestés de manière éclatante face à la survenue de la pandémie de la covid-19. La forte mobilisation des leaders africains et l’efficace coordination assurée par l’Union africaine dans la riposte, témoignent de la capacité de l’Afrique à faire face aux épreuves de manière unie et résolue. Dans un intervalle de temps aussi bref, moins de deux ans, certains de nos Etats membres ont réussi à renforcer leur système de santé par l’implantation des unités de production de vaccins contre la covid-19.
Face à la crise alimentaire et nutritionnelle dont les conséquences sont évidentes sur la santé des populations, l’Union africaine a pris une série d’initiatives dont la plus importante est le Programme Détaillé pour le Développement de l’Agriculture Africaine (PDDAA). Par ailleurs, elle a décidé symboliquement de consacrer l’année 2022 « à bâtir une résilience en matière de sécurité nutritionnelle et alimentaire sur le Continent africain : renforcer les systèmes agro-alimentaires et les systèmes de santé et de production sociale pour accélérer le développement socioéconomique et du capital humain ».
La Commission de l’Union africaine s’est attelée également à répondre, autant que ses moyens le permettent, aux préoccupations concernant la santé, l’éducation, les infrastructures, l’énergie, les sciences et la recherche, secteurs dont la promotion et la réalisation sont les conditions nécessaires du développement de l’Afrique.
Les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur de nos ambitions. Mais nous sommes sur le bon chemin. De la mise en commun raisonnée de toutes nos énergies et de nos ressources géographiquement dispersées sortira une nouvelle Afrique, « l’Afrique que nous voulons ».
A une seule condition : identifier et relever sans complaisance les maux qui plombent nos actions et entravent la mise en œuvre effective de nos décisions, stratégies et instruments indiqués afin de leur apporter le traitement approprié.
Africaines, Africains, c’est à cet exercice de réflexion que je voudrais vous inviter en cette journée mémorable où les activités festives, bien compréhensibles, ne devraient pas reléguer à l’arrière-plan nos préoccupations essentielles.
Bonne fête à toutes et à tous.
Moussa FAKI MAHAMAT