Mamadi Doumbouya avait annoncé la couleur dès son arrivée au pouvoir. Reconnaissons-lui le mérite de n’avoir pas dissimulé ses mauvaises intentions. Il avait prévenu tout le monde, en quelque sorte. En baptisant l’aéroport de Conakry du nom du sanguinaire Sékou Touré alors que rien ne lui en donne le droit, notre nouveau caudillo avait tout de suite indiqué le sens dans lequel il voulait aller. On ne peut invoquer le diable et œuvrer pour la gloire de Dieu. On ne peut revêtir le costume de l’ogre et conforter la veuve et l’orphelin. Le couvert étant mis, il est temps de servir les plats. Le décor étant planté, notre lieutenant-colonel peut passer aux actes.
Les tueries ont repris. Les balles qui viennent de faucher le jeune Thierno Mamadou Diallo à Hamdallaye ne sont que les toutes premières du déluge de feu qui nous attend. En Guinée, les tirs contre le peuple cessent juste le temps que le successeur du roi déchu ouvre ses cartons. Maintenant que Mamadi Doumbouya s’est installé, il peut sans état d’âme, poursuivre la funeste œuvre de ses prédécesseurs, c’est-à-dire diviser les Guinéens, fouler au pied les libertés publiques, vider les caisses de l’Etat et tirer sur le bon peuple. Ce sont ces 4 points-là, rien que ces 4 points-là qui font office de programme politique en Guinée, que le président s’appelle Sékou Touré ou Lansana Conté, Alpha Condé ou Mamadi Doumbouya.
Les dirigeants que nous avons eus ne pouvaient nous mener que là où nous sommes : dans la voie sans issue des faux problèmes et des chicanes, de la misère et de la répression. Je l’ai dit et répété dans ces colonnes, nous n’avons jamais eu de chef d’Etat. Nous avons eu des chefs tout court, c’est-à-dire des individus arrogants et désinvoltes qui se fichent des textes, qui n’écoutent qu’eux-mêmes. Ce n’est pas la loi qui gouverne ce pays, mais les sautes d’humeur de nos roitelets. C’est ainsi depuis le début, les dirigeants guinéens n’ont aucun compte à rendre ni aux élus (pourquoi, diable, voudriez-vous qu’en l’occurrence Mamadi Doumbouya rende des comptes au CNT puisque c’est par décret qu’il en a nommé le président ?) ni au peuple. Ils font ce qu’ils veulent. Ce sont des monarques de droit divin qui ont droit de vie et de mort sur leurs concitoyens, pardon sur leurs sujets.
Ainsi donc, encore une fois, un gamin a été cueilli à la fleur de l’âge sur l’axe Cosa-Bambéto-Hamdallaye alors que le 5 Septembre dernier, on nous avait juré la main sur le cœur qu’on en avait fini avec les rafles de nuit et les massacres de rue. Le centième, le millième ? Nul ne le saura. En Guinée, les bourreaux ont autre chose à faire que de compter le nombre de leurs victimes.
On nous dit que cette fois, il y aura une enquête, que les coupables seront traduits devant la justice. Je n’y crois pas une seconde. Où est le criminel, Alpha Condé ? A Istamboul, soit disant pour y recevoir des soins. On nous avait déjà fait le coup à Abu-Dhabi jusqu’à ce qu’une vidéo prise à l’improviste nous montre notre grand malade, dans un luxueux salon oriental, un verre à la main, en train de papoter avec ses amis sur l’avenir politique de la Guinée. Du chiqué, tout cela !
Qu’elles aient fusillé ou lapidé, nos forces de l’ordre savent qu’elles peuvent dormir tranquilles. L’Etat guinéen a toujours assassiné gratis.
Tierno Monénembo