Au lieu de demander la libération pure et simple d’acteurs politiques en détention provisoire dans le cadre des procédures pendantes devant la CRIEF, il serait mieux indiqué d’exiger des garanties solides d’indépendance et d’impartialité dans le traitement des affaires qui relèvent de la compétence de celle-ci.
Il doit être clair cependant que ce n’est pas à la junte militaire, au gouvernement et en particulier au Premier ministre, qu’il faut demander ces garanties. D’ailleurs, aucune exigence ne devrait être formulée sur cette question à l’endroit des autorités de la Transition.
Il appartient à la CRIEF et à elle seule de faire la preuve de son indépendance et de son impartialité quant à l’exercice de ses attributions, au risque de perdre toute crédibilité.
Tout engagement pris dans ce sens par les autorités de la Transition, même dans le cadre d’un dialogue franc et inclusif, serait perçu comme la preuve la plus éloquente que la CRIEF est un instrument entre les mains du pouvoir, pour régler des comptes ou éliminer des acteurs politiques au nom d’un prétendu renouvellement de la classe politique.
Le seul engagement que le CNRD pourrait, à la limite, prendre, est qu’il s’interdise toute immixtion dans le fonctionnement de la CRIEF et mette à sa disposition les moyens nécessaires pour qu’elle soit à la hauteur des attentes des Guinéens. Car, ces derniers sont nombreux à croire encore dans la nécessité de faire de la redevabilité une réalité.
Nul ne peut contester que pendant de nombreuses années, des hauts commis de l’État ont confondu leurs patrimoines privés et celui de l’État. Ils ont puisé dans les caisses publiques comme s’ils en étaient les seuls propriétaires. C’est pourquoi, la création de la CRIEF a été vivement applaudie. Cette juridiction garde encore toute sa place dans le processus de « refondation de l’État ».
Même si quelques errements regrettables ont été constatés dans ses toutes premières actions, la CRIEF continue à susciter l’espoir et bénéficie d’un préjugé favorable. C’est à elle de prouver aux yeux de l’opinion qu’elle est encore et toujours digne de confiance.
Mais la classe politique doit s’abstenir de toute forme de pression sur la junte militaire dans le sens de ce qui pourrait être compris comme une ingérence dans les affaires judiciaires. S’il est vrai que la justice doit être la boussole qui doit guider dorénavant nos actes, il est indispensable que cette justice soit indépendante et impartiale.
Le présent dialogue ouvert à l’initiative du chef du Gouvernement de Transition, est l’occasion de poser toutes les questions de nature politique afin que des réponses consensuelles leur soient données. C’est du moins le souhait de la majorité, afin que la transition soit couronnée de succès. Mais les questions d’ordre judiciaire devraient être réglées par d’autres voies et non politiquement.
Me Mohamed Traoré, ancien Bâtonnier