Fodé Cissé, ex Directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale et des agents de l’Etat (DNPSAE) et son informaticien, Fodé Sirikahata Bangoura, étaient de nouveau devant la Cour de répression des infractions économiques et financières, ce 15 juin. La CRIEF devait se prononcer sur l’exception de nullité soulevée par les avocats des prévenus concernant les procès-verbaux de leur interrogatoire à la Direction centrale des investigations judiciaires de la gendarmerie. Demande rejetée par le juge.

Fodé Cissé et Fodé Sirikahata Bangoura sont traduits devant la CRIEF pour « Détournement de deniers publics et complicité », prévus et punis par les articles 19, 20, 764 et suivants  du Code pénal. Il leur est reproché d’avoir déplacé vers Nzérékoré une liste de 1 178 pensionnés au mois de mars 2022 et d’avoir au passage détourné près d’un milliard trois cents millions de francs guinéens, prétextant une vérification. Ce que le parquet spécial de la CRIEF trouve suspicieux. Fodé Cissé et son coaccusé plaident non coupables. A la précédente audience du 1er juin, les avocats de la défense avaient contesté la validité du procès-verbal établi en leur absence par les OPJ de la gendarmerie. A celle de ce mercredi, le président du tribunal, Alhassane Mabinty Camara, n’a pas retenu la contestation, la jugeant mal fondée. Il a ordonné l’ouverture des débats au fond.

« J’ai été convoqué par le colonel Amara »

A la barre, Fodé Cissé a nié tout en bloc, accusant des cadres tapis dans l’ombre à la Caisse de prévoyance sociale de vouloir lui faire la peau :  » J’ai trouvé à la Caisse une équipe de direction, dont le directeur général adjoint, qui a fait plus de trois ans. Sur instruction du Président de la République, j’ai engagé des réformes, validées par le Conseil d’administration. On s’est rapidement rendu compte que le fichier à partir duquel on faisait les calculs avait un problème. Quand nous avons voulu avoir des éclaircissements, les bruits ont commencé. Un beau jour, je suis convoqué à la Présidence par le colonel Amara Camara.  Il m’a dit qu’il y a un rapport contre moi, que je prélevais 35% de l’argent des pensionnés. Je lui ai dit que c’est faux ! « 

Fodé Cissé jure que l’argent incriminé n’a pas été détourné :  » Après vérification, nous nous sommes rendus compte que les cas de décès ne sont pas remontés. Nous avons demandé aux chefs d’agence de les remonter. 1 300 décès ont été déclarés, la plupart d’entre eux à Conakry. En fait, ce ne sont pas de vrais pensionnés. L’argent partait dans les poches des gens. C’est cet argent que nous avons bloqué. Le Président de la transition m’a encouragé à continuer les réformes. On a déplacé l’argent et cette liste vers Nzérékoré parce que ce n’était pas bon qu’il reste à Conakry ». Plus loin, il persiste : « Cet argent dont on parle n’a jamais été détourné, il existe. Nous l’avons déplacé juste à des fins de vérification ». « Est-ce que cette délocalisation était nécessaire? » revient à la charge le juge.  » Ce n’était pas bon que cet argent reste dans le circuit. Les vrais pensionnés ne font pas de bruits. Ce sont ceux qui détournaient qui parlent ». A la question du juge de savoir où se trouve à présent l’argent, le prévenu répond : « Au trésor ».

L’ancien DG de la CNPSAE met au défi quiconque de prouver qu’il a détourné de l’argent public : « On ne peut pas me dire que j’ai détourné cet argent. Cette histoire de pension est rocambolesque ! Nous avons prouvé qu’il y avait une majoration de 400 000 à 3 000 000 de francs guinéens, qu’il y avait un détournement. Il fallait un alibi pour m’abattre parce que j’ai empêché les gens de voler l’argent public. Peut-être qu’un milliard, c’est beaucoup d’argent. Mais ce que nous avons découvert est monstrueux ».

Il attire l’attention de la CRIEF sur des agissements louches à la Caisse de prévoyance sociale :  » C’est moi qui ai fait venir pour la première fois un contrôleur financier…Monsieur le président, intéressez-vous à la construction du siège de la Caisse. J’ai trouvé un contrat de 84 milliards de francs guinéens ! Je leur ai demandé des explications, ils n’ont rien dit. « 

L’audience a été renvoyée au 29 juin prochain, à la demande de la partie civile.

Yacie Diallo