Le journaliste nigérian Olamilekan Hammed Adewale Bashiru a obtenu une remise en liberté sous caution le 21 juin 2022, mais reste en détention en raison des conditions de sortie imposées par la justice. RSF dénonce cette méthode contraignante destinée à maintenir le journaliste derrière les barreaux.
Détenu depuis fin avril, Olamilekan Hammed Adewale Bashiru devra débourser une caution de près de 10000 euros (environ 4 millions de nairas) pour recouvrer la liberté. Le journaliste est poursuivi pour avoir republié sur son site d’information, EagleForeSight, un article relatant l’incarcération en 1986 aux Etats-Unis du gouverneur de l’État d’Ogun au sud-ouest du Nigéria.
En plus de la caution extrêmement onéreuse, Bashiru doit présenter deux garants qui doivent fournir leur numéro de téléphone et adresse complète, leurs coordonnées bancaires et un acte de propriété. Sans avoir encore été formellement inculpé, le journaliste est attendu à la barre le 19 juillet prochain pour une nouvelle audience.
«En établissant une caution particulièrement élevée, la Haute cour fédérale utilise une stratégie délibérée pour faire taire et censurer les journalistes en les maintenant derrière les barreaux, déclare Sadibou Marong, directeur du Bureau Afrique de l’Ouest à RSF. Nous dénonçons ces méthodes abusives employées par la justice pour maintenir en détention des journalistes sans inculpations formelles. Ces méthodes répressives n’ont pas leur place dans une société respectueuse des droits fondamentaux. Le journaliste doit être libéré sans condition ce 19 juillet.»
Le 29 avril 2022, Bashirua été convoqué au siège du Département de la Sécurité de l’État (DSS) à Abeokuta pour justifier de la republication d’un article sur son site EagleForeSight, initialement publié par le journal privé Peoples Gazette. L’article faisait état de révélations sur le casier judiciaire présumé de Dapo Abiodu, le gouverneur de l’État d’Ogun, et sur son incarcération en 1986 pour fraude à la carte de crédit à Miami-Dade en Floride aux États-Unis.
Après un interrogatoire musclé et le refus par les forces de police de prévenir ses avocats, Bashiru a été contraint de supprimer l’article incriminé, avec un message d’excuses publiques décrivant le contenu comme une “fausse information”. Transféré au siège de la police de l’État à Abeokuta, où il est détenu depuis sans inculpation, il n’a pu voir son avocat que le 16 mai. Lequel n’a pas non plus été informé des charges retenues contre son client, ni même de la date de sa libération.
De manière récurrente, la justice nigériane se sert des cautions exorbitantes comme outil de dissuasion contre les journalistes et pour les contraindre à la détention jusqu’à la fin de leur procès. Une méthode déjà constatée et dénoncée par RSF, lorsque Luka Binniyat, alors journaliste pour le journal The Epoch Times, était resté détenu 91 jours sans être inculpé avec un cautionnement de 2 386 d’euros (1 million de Naira) et deux autres cautions du même montant.
Le Nigeria occupe la 129e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse, établi par RSF en 2022.
Reporters Sans Frontières