« Les non-dits et les non-sus », est le titre du livre-témoignage co-écrit par Hadja Rabiatou Sérah Diallo, ancienne présidente du Conseil Economique, Social, Culturel et Environnemental et El Hadj Mamadou Lamine Diallo, docteur en Sociologie à l’Ecole doctorale Sciences sociales de Paris 8 Vincennes Saint Denis. Les deux auteurs l’ont présenté ce samedi 16 juillet, au CIRD (Centre International de Recherche et de Documentation), sis à Kipé Dadia-Mosquée.
Un ouvrage à travers lequel la présidente du Conseil national de la Transition (CNT) sous le CNDD tente de répondre aux nombreuses interpellations relatives au changement constitutionnel opéré en 2020 par Alpha Condé, pour s’octroyer un troisième mandat. L’œuvre est parue chez les éditions « Les impliqués » et distribuée en Guinée par L’Harmattan-Guinée.
«J’avais dit à Hadja de ne pas répondre, par précaution, aux multiples interpellations et attaques. Dieu sait qu’il y en a eues assez. Elle a accepté et quand tout s’est calmé et sentant son état de santé, je lui ai proposé de livrer la vérité, de dire ce qu’il y a eu, ce que les gens ne savent pas sur ce qu’il s’est passé. C’est ainsi que nous avons entamé ce travail que nous présentons aujourd’hui », a dit El Hadj Mamadou Lamine Diallo.
L’ancienne syndicaliste, elle, a salué l’assistance et remercié Dieu et ses parents. Elle avoue avoir «vécu des moments difficiles». Hadja Rabiatou Sérah Diallo, sur un ton quelque peu pathétique, explique : «J’ai été présidente du CNT en 2010, l’institution qui a voté la Constitution et la plupart des lois dont dispose le pays aujourd’hui. Quand l’histoire du 3ème mandat a commencé, j’avais ma position. Je ne pouvais pas me dédire. Mais j’étais présidente du Conseil Economique et Social qui est composé de personnes issues de nombreuses structures. Je ne pouvais pas parler au nom de tout le monde, parce que chaque membre avait sa base. J’ai donc gardé le silence et ce silence a coûté cher à ma famille». A l’entendre, on sent que l’ancienne secrétaire générale de la CNTG (Confédération nationale des travailleurs de Guinée) était dans un dilemme cornélien. Si elle était critiquée par une partie de l’opinion pour n’avoir pas pris position contre le troisième mandat en défendant la constitution de 2010, elle voyait ses enfants subir des représailles au sein de l’administration guinéenne, pour n’avoir pas soutenu ce projet d’Alpha Condé. «Mes enfants ont été sanctionnés à cause de mon silence. Je suis à la tête d’une institution républicaine différente d’une centrale syndicale où nous pouvons mobiliser. Mais je n’en veux à personne. Mon silence est dû au fait que je ne voulais pas créer la polémique en répondant à chacun. Après tout, j’ai décidé de ne pas me taire parce que la mort ne prévient pas, je suis malade aujourd’hui. Je ne parle pas pour répondre forcément aux gens, mais pour que les jeunes et les femmes comprennent l’importance qu’ils ont à lutter et à défendre ce pays. Les femmes ont un grand rôle, travailler et s’occuper de la famille, ce n’est pas chose aisée. Mais vous n’avez pas le droit d’abandonner », a insisté Hadja Rabiatou Sérah.
« Je n’avais pas de véhicule de service »
L’arrivée du CNRD, comme tout coup d’Etat qui intervient dans un pays, a mis un terme au fonctionnement des institutions. Les présidents des institutions ont été invités à une rencontre et intimés à rendre les véhicules de service. Hadja Rabiatou était dans une autre situation : «Au CES, je n’avais même pas de véhicule de commandement. Quand on nous a convoqués, j’étais malade, mais j’ai décidé d’y aller pour ne pas qu’on dise que je fais la tête. J’ai pris ma béquille, je suis allée, je me suis mieux sentie quand je suis arrivée. J’en ai profité pour dire au Colonel de tout faire, pour préserver les acquis de la Guinée». Selon elle, les instances qui fédèrent les Conseils économiques étaient dirigées à l’époque par trois pays : le Maroc s’occupait du plan africain, la Côte d’Ivoire de l’international et la Guinée dirigeait la francophonie, après la Roumanie. «La France a succédé à la Guinée ce mois juillet. Ils ont tout fait pour que j’y prenne part, je n’ai pas voulu partir, parce qu’on a interdit à tout le monde de sortir, et je ne veux pas qu’on me demande à l’aéroport qui m’a autorisée à partir. J’avais pourtant mon visa, mais à mon âge, j’évite certaines choses», a-t-elle informé.
Dansa Kourouma, l’actuel président du CNT, a participé à la dédicace et rendu hommage à une « maman qui a fait preuve de patience et de sagesse pour éviter au pays le chaos dans l’entre-deux tours en 2010. Parce que malheureusement, le virus de l’ethnocentrisme fait qu’en Guinée, on te classe en fonction de ton patronyme. Hadja Rabi n’était pas dans les bonnes grâces du Pr Alpha Condé et un jour, il n’a pas voulu lui serrer la main à l’aéroport. Je suis allé dire au Président que son pouvoir repose sur deux pieds dont l’un est détenu par cette dame. C’est ainsi qu’il a changé un peu. Vous m’avez préparé pour occuper ce poste, je vous resterai reconnaissant toute ma vie ». Dansa Kourouma regrette qu’en Guinée « tout ce qui brille est éteint. C’est notre malheur, peut-être. Nous avons besoin d’écrire notre histoire dans toute sa vérité, mais actuellement elle est très influencée ».
Auparavant, Aguibou Sow, Coordinateur des programmes du CIRD, avait souhaité la bienvenue à l’assistance et exprimé la joie du CIRD d’accueillir cette cérémonie.
Bâba Dâghui