Depuis le 7 juillet, le contenu des unes de cinq journaux sénégalais a été remplacé par des messages de propagande politique sur les réseaux sociaux. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces tentatives de désinformation, dans un pays où vont se tenir des élections législatives ce dimanche 31 juillet.
Cinq quotidiens d’information sénégalais, En Quête, L’Observateur, Le Soleil, Sud Quotidien et Le Quotidien, ont vu le contenu de leur première page détournée sur les réseaux sociaux entre le 7 et le 27 juillet 2022. Le message principal de la véritable une est transformé à des fins de propagande politique.
“En cette fin de campagne électorale, le détournement des unes des journaux sur les réseaux sociaux constitue une technique de désinformation visant un large public, déclare Sadibou Marong, directeur de RSF en Afrique de l’Ouest. Un procédé qui risque d’altérer le débat démocratique et de nuire aux médias qui en sont victimes, en portant atteinte à leur réputation, voire en mettant en danger leurs journalistes. Nous demandons aux autorités de prendre les dispositions nécessaires pour faire cesser ces pratiques nuisibles à l’intégrité de l’information et qui portent un rude coup à la crédibilité des journaux qui en sont victimes.”
Cette technique dangereuse peut facilement tromper les utilisateurs des réseaux sociaux. Sur Twitter, de nombreux comptes identifiables ont relayé ces fausses unes. Le journal Le Quotidien a dû publier un tweet sur son compte officiel pour comparer la bonne et la fausse une de son édition du 23 juillet 2022. Sur Facebook, un groupe dénommé OPS (L’Observateur patriotique du Sénégal), créé le 7 juillet 2022, utilisait un logo semblable à celui du journal L’Observateur, avec plusieurs photos des unes détournées. Il comptait plus de 24 000 abonnés au 27 juillet.
RSF – qui exhorte tous les médias impactés à signaler ces incidents et à porter plainte – a prévenu Twitter et Meta (ex-Facebook). Ce dernier a supprimé la page en question.
“Nous n’autorisons pas les faux comptes sur nos plateformes et nous supprimons les profils qui usurpent les identités d’autres personnes et entités. Dans ce cas précis, nous avons supprimé la page en question pour violation de nos politiques d’authenticité,” a déclaré Balkissa Idé Siddo, la directrice des politiques publiques pour l’Afrique chez Meta.
Quotidien privé fondé en 2003 et appartenant au groupe Futurs Médias du chanteur international Youssou N’dour, L’Observateur fait partie des médias impactés. Le groupe a condamné ces actes et a annoncé avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République.
Le 15 juillet, l’équipe de rédaction du quotidien En Quête a découvert sur les réseaux sociaux que la une de l’édition de leur journal n’était pas la même que celle imprimée. La première page déformée faisait référence en des termes sordides à la vie de famille d’un opposant. Un détournement qui peut donc entamer la crédibilité du journal, pourtant réputé.
Bigué Bob, rédactrice en chef du journal qui existe depuis plus de dix ans, déclare à RSF qu’après la parution sur les réseaux sociaux, beaucoup de lecteurs l’ont contactée. “Ils m’ont appelé pour me demander depuis quand notre journal proposait d’aussi sordides vitrines. J’ai dû leur expliquer que ce n’était pas les nôtres,” explique-t-elle. Le lendemain, le journal a porté plainte et a précisé à l’endroit de ses lecteurs que sa vitrine faisait l’objet “d’un détournement de personnes mal intentionnées qui l’utilisent pour attaquer leurs adversaires politiques”.
Le journal Sud Quotidien, lancé depuis 1993, a lui aussi confirmé dans un communiqué avoir constaté sur les réseaux sociaux et certains sites Internet que ses logos et signes distinctifs avaient été détournés.
Le quotidien national Le Soleil et le journal privé Le Quotidien ont également été ciblés. Le 25 juillet, une fausse une du Soleil a mis en relief la principale coalition de l’opposition qui “serait seul maître à bord” dans la campagne électorale qui s’achève vendredi 29 juillet, alors que la vraie mettait l’accent sur un succès du président sénégalais Macky Sall après la signature d’un accord sur les céréales entre la Russie et l’Ukraine.
RSF demande aux autorités d’ouvrir immédiatement des enquêtes pour identifier et punir les auteurs de ces détournements.
Le Sénégal occupe la 73e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2022 par RSF.
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