L’Etat guinéen ne fait pas que tuer et voler, il ment aussi comme il respire. Ce qui lui permet de bâtir des châteaux en Espagne et même de tracer des lignes de chemin de fer sur le sable mouvant du néant.
Après avoir baptisé l’aéroport international de Gbessia du nom du sanguinaire Sékou Touré et réduit ses ministres au simple rôle de récureurs de fossés, le président éternel de notre éternelle Transition nous annonce le méga- projet de sa lumineuse monarchie: la construction imminente d’une ligne de chemin de fer Conakry-Bamako. Ce n’est pas nouveau.
Dans les années 60 déjà, Sékou Touré qui savait ce que le mot bruit veut dire, nous avait rabâché les oreilles avec une lubie du même type: la mise en place d’un réseau Kouroussa-Bamako. Notre mégalomane «Responsable Suprême de la Révolution» avait même expressément formé un ingénieur en Union Soviétique. Ce Monsieur connaissait déjà la largeur des rails, la distance des traverses, le nombre des organes de fixation, la densité des ballasts et l’épaisseur du soubassement. A la radio, il en parlait tant et si bien que comme dans la chanson de Richard Antony, on entendait déjà siffler le train.
Au début de son septennat, Alpha Condé lui aussi était venu avec la maquette d’une ligne Kankan-Bobo-Dioulasso sous les bras. Vous avez remarqué que ces gens-là ne se trompent jamais d’itinéraire. Chez eux, en train, en voiture ou en avion, le voyage se limite au village et au clan. Ils ne se hasarderaient jamais à proposer une ligne Macenta-Tombouctou, Forécariah-Ziguinchor ou Télimélé-Adzopé.
Heureusement qu’ils ne savent rien bâtir d’autre que les wagons fictifs de leurs chimères. Comment voulez-vous qu’un gouvernement qui n’a même pas su entretenir la ligne Conakry-Kankan que nous a laissée le colonisateur, puisse poser des rails de Conakry à Bamako.
Les Guinéens ne sont pas dupes. Ils savent que, leurs gouvernants étant ce qu’ils sont, il n’y aura plus jamais de train, exceptés, les trains miniers des compagnies de bauxite et de fer. Ils en sont tellement convaincus que c’est sur les vieux rails du chemin de fer Conakry-Niger qu’ils érigent leurs buildings et installent leurs boutiques. La Guinée est sans doute le seul pays au monde où les moins de 50 ans n’ont jamais vu de train. En plein XXIème siècle !
Mais bon, notre peuple infantilisé, dressé à la férule et nourri aux bobards, sait que Mamadi Doumbouya ne sera pas le dernier à leur raconter ce genre d’ânerie. Il sait que si les discours grandiloquents et les projets fantasmagoriques apportaient le gîte et le couvert, il serait le peuple le plus heureux de la terre.
Un conseil, Lieutenant-Colonel Mamadi Doumbouya : commencez par réparer la route Coyah-Forécariah ou au moins, par remettre en marche le petit train Conakry Express. Et vous verrez, le Train Express Interplanétaire Kankan-Jupiter-Neptune viendra de lui-même.
Tierno Monénembo