Alors qu’une délégation de la CAF (Confédération africaine de football) était dans nos murs pour tâter les pouls du niveau d’avancement de la Guinée dans les préparatifs d’organisation de la CAN 2025, une folle rumeur s’est répandue dans le bled. Celle-ci annonce que la Guinée n’abritera pas cette fête continentale du cuir-rond ! Ce que démentent formellement les autorités. Mamadi Doum-bouillant n’a pas caché à la mission de la CAF sa soif d’abriter l’événement.

Lansana Béant Diallo, ministre des Sports et Prési du Cocan (Comité d’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2025), a expliqué, dans une interview au Lynx, les dispositions prises pour réussir le pari. 

Le Lynx : Où en sommes-nous dans les préparatifs de l’organisation de la CAN 2025?

Lansana Béa Diallo: On a beaucoup avancé, comparativement à là où on en était. On a signé tous les contrats avec toutes les entreprises qui sont en train de finaliser les études. Nous avons fait recours à un modèle de marché qui engage les entreprises à faire les études, financer et construire les infrastructures. La construction va commencer dès octobre.

Quelle est la part contributive de la Guinée dans cette organisation?

Ce n’est que la part de la Guinée, parce qu’elle va rembourser les préfinancements. Nous devons participer à hauteur de 15 % de la levée des fonds qui va être faite par les entreprises, soit environ 200 millions d’euros.

Comment les entreprises se feront-elles rembourser?

C’est un prêt à rembourser dans un intervalle de sept à quinze ans. Ce modèle permet au pays d’éviter des taux trop élevés qui, en pareille circonstance, dépassent les 10%. On est entre 2, 5% et 7 à 8%. Ça varie d’une entreprise à l’autre. On travaille avec six entreprises (italienne, portugaise, éthiopienne, marocaine, turque et guinéenne) dont Limonta, Takone et Guicopres associé à Jet Contractors. 

Quel est le délai d’exécution des travaux?

Les entreprises avaient six mois, à compter de juin, pour faire les études. Et dix-huit mois, pour la construction. En juin 2024, les travaux sont censés être finis au plus tard. Sauf qu’aujourd’hui, on est en avance sur ce calendrier puisque les études sont pratiquement terminées. C’est à cause de la pluie que les travaux seront entamés à partir du 1er octobre.

Avec quel sentiment la mission de la CAF est-elle répartie de Conakry?

Elle était venue passer un message à la Guinée : celui de voir comment, ensemble, avancer et permettre au pays d’organiser cet événement sportif. Nous lui avons dit que nous ne voulons pas que la CAN 2025 soit organisée par un autre pays. Le président l’a dit clairement !

Parce qu’ils vous ont proposé d’attendre la prochaine édition?

Ils nous ont proposé de postposer l’événement. Ce qui veut dire que quelqu’un d’autre organise l’édition 2025. C’est clair, même s’ils ne l’ont pas dit clairement. Les présidents a dit : écoutez, j’en ai fait une priorité nationale ; ce qui veut dire que la Guinée organisera l’événement en 2025. Vous revenez dans six mois pour voir dans quel état d’avancement on sera. La détermination est là, les moyens sont à notre disposition. On est capables de le financer même avec le budget national.

Le coût de construction des infrastructures sportives est de 800 millions d’euros : six stades, plus la rénovation entière de celui du 28 septembre. On va construire 27 terrains d’entraînement, de 1000 à 5000 places ; 395 villas de quatre étoiles ; des infrastructures de basketball, handball, volleyball, des salles de fitness et des piscines dans tous les villages CAN.

Toutes les infrastructures hôtelières seront construites sous forme de BOT, sous la gestion du département du Tourisme. Avant, tout était concentré chez moi. A mon arrivée, j’ai dit que si on veut avancer, chaque département doit prendre la responsabilité dans son secteur (transports, hôtels, santé avec la construction de quatre hôpitaux régionaux…).

Etes-vous parvenus à rassurer la délégation?

Je pense qu’elle est arrivée avec beaucoup de scepticisme, mais elle voulait surtout s’assurer de l’engagement des autorités guinéennes. La mission a été très surprise par la détermination du président. Il en a fait une priorité nationale. En conseil des ministres, sa communication ne portait que sur le sujet : il a appelé à l’implication de tous les ministres et de tout le pays pour réussir ce défi.

Ces assurances n’ont pas pu empêcher la propagation d’une rumeur faisant état du retrait de l’organisation de la CAN 2025 à la Guinée. Pourquoi?

Parce qu’il y a de la frustration. La Guinée n’a pas que des amis, y compris à l’interne. Il y a des Guinéens qui vont à la mosquée, prient tous les jours pour qu’on ne réussit pas cet événement. Des gens qui étaient-là depuis des années, sans faire avancer le pays, veulent empêcher de donner de la joie et permettre aux Guinéens de rêver. Ils sont frustrés. Leur stratégie, c’est de déstabiliser ce qu’on essaie de mettre en place. La CAF pensait que la Guinée n’organiserait jamais cet événement. Ils sont venus, ils ont vu qu’on n’était pas que déterminés, qu’il y avait du concret derrière.

Etes-vous formel que le document n’est pas de la CAF?

C’est peut-être un ancien message de la CAF préparé depuis longtemps. Sauf qu’on ne peut pas envoyer un message comme ça. La CAF peut nous retirer l’organisation, auquel cas je me plaindrais en justice puisqu’on a des droits aussi. Il y a un délai prévu, un cahier de charges qui définit clairement à quel moment on nous le retire. En attendant, on est dans les délais. Le chef de la délégation a clairement dit dans la presse qu’ils ne sont pas venus pour nous retirer l’organisation de la CAN. Ou alors il n’a aucune autorité et n’a pas été envoyé officiellement, ou alors il y a un vrai problème à la CAF. Le message est signé du mois de juillet, donc avant l’arrivée de la délégation.

Quel sens donnez-vous à l’engagement du président de faire de la tenue de la CAN 2025 en Guinée un événement d’intérêt national?

Cela veut dire que du ministre de l’Education à celui de l’Administration, tout le monde doit s’impliquer à fond. Tout doit être orienté sur cet événement : mettre les infrastructures sur place, amener de l’eau et de l’électricité dans certains endroits… Cela veut dire qu’on va développer le pays de manière concrète. Cela veut dire qu’il donne un élan, invite tous les Guinéens à s’impliquer pour sa réussite.

En quoi consiste le transfert de crédit au Cocan ordonné par le président de la transition?

Le Cocan a un personnel, reçoit des missions étrangères qu’il prend en charge pour l’hôtel, les déplacements. Avant, l’argent était à la présidence.

A chaque fois que j’ai besoin d’un stylo, nous devons faire une facture, envoyer au secrétariat de la présidence qui analyse et transmet au président qui avalise, avant de décaisser. Cela nous met énormément en retard. J’avance de l’argent. Le personnel doit attendre, parfois, trois à quatre mois avant d’être payé. Le processus est très lourd.

Le budget va être désormais directement logé au ministère des Sports. Le ministre, qui est le président du Cocan, va en assurer la gestion. C’est une simplification de la procédure. Les 4 milliards de francs guinéens représentent le solde du budget annuel du Cocan.

Un message aux Guinéens? 

Il faut arrêter d’être sceptique et croire que c’est possible. Même si on nous retire l’organisation de la CAN, le plus important pour nous aujourd’hui c’est de développer les infrastructures. Ce qui est irréversible et sauvera nos jeunes de mourir dans la Méditerranée. A ceux qui essaient de nous déstabiliser, je leur dit que nous relèverons ce défi. Pour ce faire, on a besoin de tous les Guinéens. Leur optimise nous encouragera à aller vite. 

Interview réalisée par Diawo Labboyah