Le ton est monté entre les deux voisins et homonymes de l’Afrique de l’Ouest. Conakry et Bissau sont à couteaux tirés. Pour beaucoup d’observateurs, c’était le moins attendu du monde. Car, comme dit l’adage populaire, l’ennemi de ton ennemi est ton ami. C’est dire que le tombeur d’Alpha Condé, qui n’était pas très ami à Umaru Cissoko Emballo, devait être en odeur de sainteté avec le président bissau-guinéen. Mais c’était sans compter que ce dernier est lui aussi ami à quelqu’un qui ne serait pas un enfant de chœur pour l’actuel occupant du palais Mohamed V.
De fil en aiguille, les dirigeants des deux pays ont fini par étaler sur la place publique leur divergence. Le président bissau-guinéen a donné le ton par une interview qu’il a accordée à RFI. Dans cette intervention, que certains qualifient de bourde diplomatique, il annonce le verdict avant même le jugement. A savoir que les dirigeants de la sous-région, qui vont se réunir pour une fois à New York, en marge de la 77ème assemblée générale des Nations Unies, prendront des sanctions contre la junte militaire au pouvoir à Conakry.
Il n’en fallait pas plus pour que le ministre secrétaire général à la présidence de la République monte au créneau pour fustiger l’attitude du chef de l’Etat bissau-guinéen. Mais, c’est le premier Ministre guinéen qui a mis le pied dans le plat en qualifiant Umaru Cissoko Emballo de guignol. En dépit du fait que le gouvernement, dont il est le chef, a deux porte-paroles. Le premier a réagi. Le second n’attendait probablement qu’une occasion pour le faire. Dès lors, le premier Ministre devait s’abstenir d’intervenir dans cette affaire. Il ne devait surtout pas jeter de l’huile sur le feu. Et se montrer trop vulgaire.
La situation politique de la Guinée en ce mois de septembre 2022 ressemble terriblement à celle de septembre 2009. Avec une junte militaire qui entretient un flou total sur ses véritables intentions. Mais aussi avec un entourage présidentiel qui montre les muscles à tout bout de champ. A la seule différence qu’en septembre 2009 le Premier ministre, contrairement au président de la transition, affichait une sérénité imperturbable. Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Le Premier ministre semble évoluer sur la voie tracée par Moussa Keïta, auteur de Dadis ou la mort, il y a 13 ans.
Autre parallèle entre septembre 2009 et septembre 2022, les nostalgiques sont bien servis. Nos dirigeants usent et abusent de la rhétorique habituelle en rappellent que la Guinée est un pays indépendant et souverain. L’autre avait dit que la Guinée n’était pas une sous-préfecture de la France. Mais les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets. Car la souveraineté, dont nous sommes fiers, ne nous avait pas empêchés en 2010, de transporter tout ce que le pays comptait d’acteurs politiques et sociaux à Ouagadougou pour signer les accords dits de Ouaga.
Dans tous les cas, au lieu de réagir avec la rhétorique ombrageuse qui a montré ses limites, la junte guinéenne aurait dû emboiter le pas à celle du Burkina qui se montre plus fréquentable que celle du Mali. Pendant que le duo Goïta et Doumbouya se retrouvait à Bamako, le putschiste burkinabé était aux Nations Unies à New York. Ce qui explique que la communauté internationale ne s’enferme pas dans des a priori sur les auteurs de coups d’Etat.
Désormais la Guinée et le Mali sont plus que jamais isolés. Pour le moment, les partisans de la junte rétorquent que l’interdiction de voyager ne concerne que les pays membres de la CEDEAO qui, selon eux, sont peu ou pas fréquentés par nos dirigeants. Or, mieux vaut être sanctionné par les pays lointains que par ses propres voisions. Sans compter que les pays membres de la CEDEAO pourraient chercher à étendre ces sanctions à d’autres pays et organisations.
Habib Yembering Diallo