Un responsable de l’un des plus grands partis politiques de la Guinée et deux activistes de la société civile arrêtés et emprisonnés pour avoir appelé à manifester pour un retour à l’ordre constitutionnel. Plusieurs journalistes convoqués à la HAC pour s’expliquer sur un avis donné à la radio. Et désormais un imam radié pour avoir interpellé le nouveau prince sur la vie chère. Voilà planté le décor de l’état de la liberté d’expression dans notre Etat.
De ces trois faits, c’est le dernier cas qui nous intéresse ici. En l’occurrence celui de l’Imam Yaya Camara de Sonfonia, radié par sa hiérarchie et interdit de parler de l’islam en public. Quand le CNRD a pris le pouvoir le 5 septembre de l’année dernière, cet imam faisait partie de ceux qui ont recouvré leur liberté â cette occasion. Certains, comme l’actuel ministre des Télécommunications, sortent de prison. D’autres, à l’image de l’imam Yaya Camara, voient leur bannissement levé.
La joie de l’homme est à la dimension de la persécution qu’il a connue. Dans le duel qui l’oppose à Ali Jamal Banougoura, alors secrétaire général aux affaires religieuses, qui l’avait sanctionné, l’imam Yaya sort victorieux. Parce que le coup d’Etat du 5 septembre a scellé le sort de son adversaire, devenu simple citoyen. L’imam persécuté peut respirer de nouveau. Mais il fête la chute du régime avec retenue et modération. Comme s’il savait que le duo Alpha Condé et Ali Jamal Bangoura est parti mais le système, lui, est resté. C’est ce système qui vient de reconduire la première décision. Selon l’imam radié, il n’y a pas une seule virgule de différence entre la sanction prise sous l’ère Condé et celle de la semaine dernière. Seules la date et la signature ont changé.
L’imam Yaya Camara est de nouveau la bête noire du nouveau secrétariat général aux affaires religieuses. Cette fois son tort aurait été d’avoir publié une vidéo sur Facebook. Dans laquelle il interpelle le colonel Mamadi Doumbouya sur la cherté de la vie. Autrement dit, l’imam a dit tout haut ce que tous les autres disent tout bas. A moins qu’il y ait d’autres motifs inconnus du public, dire au chef de l’Etat que les temps sont durs ne devrait pas déboucher sur une radiation.
Mais la sanction contre l’imam ressemble à s’y méprendre à un message fort envoyé aux autres religieux. C’est une mise en garde. Désormais ils savent que celui qui s’aventure à parler de la situation difficile que traverse le pays sera radié à vie. Et pourtant les autorités, elles, font régulièrement appel aux religieux pour les aider à sensibiliser la population. Il faut rappeler que les imams de la capitale ne peuvent pas prendre l’initiative de rédiger leur sermon. Celui-ci est parachuté par les autorités. Cela aussi est politique.
Selon de nombreux observateurs, la sanction infligée à l’imam est disproportionnée. Sa hiérarchie aurait dû commencer par un avertissement. Et s’il récidivait une suspension. Avant la sanction extrême, la radiation. L’imam n’étant pas coupable de crime ou d’atteinte aux mœurs, cette sanction sonne comme un abus de pouvoir et un mépris de la loi.
Visiblement les autorités guinéennes semblent hantées par la phobie des imams Dicko guinéens. En référence à l’imam qui a donné du grain à moudre aux autorités maliennes. Malheureusement, la Guinée n’est pas le Mali. Déjà, les pro CNRD crucifient l’imam sur la toile. Ce dernier ne peut obtenir aucun soutien de ses homologues. Lesquels se frottaient les mains pour clamer et proclamer qu’ils ne font pas de la politique. C’est autant dire que seul le bon Dieu pourra sortir l’imam Yaya de sa nouvelle traversée du désert.
A noter que dans le bras de fer qui a opposé les autorités au FNDC, les chefs religieux de Guinée se sont livrés aux autorités pieds et mains liés. Et pour cause, après avoir obtenu du FNDC le report d’une manifestation, ils ont gardé un silence de cimetière après l’arrestation de ceux-là qui avaient pourtant obéi à leur doléance.
Habib Yembering Diallo