En 2021 comme en en 2022, le 5 septembre est un jour de manifestation en Guinée. L’année dernière, c’était pour célébrer la déchéance d’Alpha Condé après onze ans de règne. Cette année, les fêtards réclament le départ de Mamadi Doumbouya, le sauveur devenu oppresseur. La lune de miel d’avec celui qui invitait à « faire l’amour à la Guinée » n’aurait été que de courte durée. Le temps de mieux comprendre ses intentions et les motivations de sa prise du pouvoir.
L’euphorie avait aveuglé les Guinéens, au point de croire que l’ancien commandant du Groupement des forces spéciales de Guinée les a librement choisis au détriment de l’ancien président à qui il doit son ascension fulgurante au sein de l’armée. Et qu’après avoir aidé à mener à bon port le projet de troisième mandat de ce dernier, il s’était brusquement transformé en chantre de la démocratie ! Un rempart contre la présidence à vie ! La voix de ceux qui rappelaient que « l’enfer est pavé de bonnes intentions » était alors inaudible, prise pour celle des jaloux trouble-fêtes.
Comment pouvait-il en être autrement, lorsque le nouveau putschiste se rend au cimetière de Bambéto, pour prier sur les tombes des victimes tombées lors des manifestations politiques ? Personne n’avait jugé nécessaire de regarder derrière les lunettes de soleil de Doumbouya la couleur de ses yeux. La mise en scène était telle qu’on lui a donné le bon Dieu sans confession. Mais « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps », disait Abraham Lincoln.
Et avec le temps, les Guinéens se sont rendu compte que le putsch du 5 septembre 2021 avait renversé tout le monde. Pas que Alpha Condé. D’une pierre, Doumbouya a fait deux coups. Quant à sa motivation, il a agi plus pour se protéger et protéger ses intérêts qui commençaient à être menacés que pour sauver la démocratie. Tel dans Les voleurs et l’âne de Jean de la Fontaine, Mamadi qui arrive en « troisième Larron » s’est emparé du pouvoir que se disputaient Alpha Condé et ses opposants.
Aujourd’hui, il fait tout pour le conserver. Tous ceux qui essaient de l’en empêcher, qu’ils soient de l’ancienne mouvance, de l’ancienne opposition ou de la société civile, sont écartés sans ménagement. Avec l’aide de la justice, notamment de la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières). Les uns sont en exil, les autres en prison.
Un an s’est écoulé, sans qu’aucune action concourant directement au retour à l’ordre constitutionnel ne soit entreprise. A la place, les nouvelles autorités tiennent un discours de développement. Et vu le retard de la Guinée, même la durée de 36 mois fixée contre la volonté de la CEDEAO et une grande partie des Guinéens risque de ne pas suffire pour notre chère transition. Mamadi Doumbouya est comme Alpha Condé. La différence est que le premier est jeune et militaire.
Diawo Labboyah Barry