La junte au pouvoir en Guinée s’est attiré la réprobation des victimes de la répression sous Sékou Touré (1958-84) et des proches d’une personnalité exécutée à l’époque, en donnant le nom de celle-ci à une école construite sur les ruines de la maison d’un opposant. Le gouvernement a inauguré vendredi 7 octobre, l’école primaire Barry-Diawadou à Dixinn, dans la banlieue de Conakry.
L’établissement a été construit en quelques mois sur le site où se dressait la maison de l’un des principaux opposants de la junte, Cellou Dalein Diallo. La junte a fait raser la villa en mars en affirmant qu’elle appartenait à l’État. M. Diallo assure que l’État la lui a vendue en 2005. Les avocats de M. Diallo se sont indignés que le terrain ait été réaffecté alors que tous les recours ne sont pas épuisés. En la personne de Barry Diawadou, les autorités ont choisi un ministre des premières années d’indépendance, arrêté en 1969 avec de nombreux autres pour leur implication supposée dans un complot contre Ahmed Sékou Touré. Barry Diawadou aurait été exécuté en 1973 au camp Boiro, camp d’internement militaire à Conakry où des dizaines de milliers de prisonniers politiques et ordinaires auraient été torturés et mis à mort avant sa fermeture après la disparition de Sékou Touré. Dans un communiqué signé par l’ancien ministre de la Justice, Me Bassirou Barry, au nom de la famille, celle-ci souligne qu’elle « n’a pas été consultée ni invitée » à l’inauguration. Elle relève que l’école a été construite sur un terrain toujours en litige. « Nous pensons humblement qu’il (Barry Diawadou) mérite beaucoup plus et beaucoup mieux ».
L’initiative a aussi fait réagir l’Association des victimes du camp Boiro. Elle aussi a noté dans un communiqué que l’école avait été inaugurée « en dehors des règles de droit ». Elle dit aussi qu’elle attend toujours que la junte commence à répondre à ses revendications de longue date: reconnaissance de l’innocence des victimes et cassation des décisions les concernant, restitution des dépouilles et restitution des biens spoliés, transformation du camp en mémorial, déclassification des que la présidence de Sékou Touré, quelque 50.000 personnes ont été torturées, fusillées, pendues ou ont disparu en détention, selon des associations de victimes et organisations de défense des droits humains. Ahmed Sékou Touré divise les Guinéens qui voient en lui selon les cas un héros tiers-mondiste ayant tenu tête à l’ancienne puissance coloniale française, ou un dictateur. La junte avait déjà partagé les Guinéens fin 2021 en donnant son nom à l’aéroport de Conakry. Elle est aussi accusée par ses adversaires d’instrumentaliser la justice pour les écarter. Cellou Dalein Diallo, ancien Premier ministre de 2004 à 2006 et chef du premier parti guinéen, fait toujours l’objet d’une convocation devant une cour spéciale anti-corruption. Il est à l’étranger depuis des mois.
Avec AFP