Ahmed Sékou Touré est mort le 26 mars 1984 dans un hosto à Cleveland, dans l’Ohio, aux Etats-Unis d’Amérique. Sa dépouille rapatriée en Guinée et exposée au Palais du peuple de Conakry continue de faire parler d’elle. Pas de certitude que le corps du défunt ait été ramené à Conakry. Pour en rajouter à la polémique qui perdure, le PDG des Productions Tidiane World Music, Tidiane Soumah, vient d’affirmer que le cercueil de Sékou Touré était…vide ». Notre confrère, mosaiqueguinee.com, a publié son témoignage que voici.

« Mon témoignage sur la mort d’Ahmed Sékou Touré, père de l’indépendance de la Guinée

En mars 1984, j’avais 17 ans, j’étais le dernier vice-président du lycée-collège 2 Août, devenu après Lycée Donka. Le 25 mars 1984, nous avons préparé une soirée culturelle de l’école dans la salle Patrice Lumuba, où Maxime Camara (beau fils de AST), un ancien sociétaire du Hafia 77, et feue tantie Marie Yombouno du protocole de la présidence de la République sont venus à deux pour présider notre soirée. Je détiens encore les photos de souvenirs de cette soirée.

Pendant que tous les invités ont rallié nuitamment la salle Patrice Lumumba, Maxime Camara s’excusa et nous informa de l’urgence du voyage du président Ahmed Sékou Touré pour Cleveland aux Etats-Unis. Donc lui et Marie Yombouno sont obligés de quitter notre soirée pour rejoindre le palais présidentiel.

Le 26 mars 1984, avec mon rôle d’artiste-comédien, notre lycée va encore présenter une pièce de théâtre dans la salle de la fédération de Conakry 2 (actuelle mairie de Dixinn) pour glorifier le camarade Ahmed Sékou Touré à travers des chants et récitations en son honneur. Ce même jour, nous avons appris avec stupéfaction le décès du Chef suprême de la Révolution aux Etats-Unis.

A l’annonce de la mort du président Sékou Touré, une foule compacte est descendue dans la rue pour marcher de Gbessia en direction de la Mosquée Fayçal. Depuis ma naissance jusque maintenant, je n’ai jamais vu un tel monde dans la rue à Conakry. L’unique mobilisation qui pourrait battre ce record est celui de la joie populaire de la prise du pouvoir par le CMRN le 3 avril 1984 sous la direction du colonel Lansana Conté.

A l’époque, mon feu père était un membre du comité central au pouvoir du PDG-RDA, tandis que moi j’étais un vice-président le plus proche du poste du chef de la JRDA de l’époque. Donc mon père et moi étaient autorisés de faire partie de l’équipe de surveillance du corps du président Ahmed Sékou Toure dans la salle du Palais du Peuple.

Le cercueil du président Sékou Touré était posé derrière les rideaux de la scène de la salle des Congrès du Palais du Peuple. Seuls les gardes du corps du président et des officiers de la garde royale du Maroc (en manteaux rouges) étaient autorisés à être autour du cercueil.

Quelques temps après, l’heure d’ouvrir le cercueil arriva. J’étais le plus jeune, tout curieux, assis tout près du chef de notre équipe, le doyen feu Damantang Camara. Le protocole s’apprêtait à faire passer à tour de rôle les différentes délégations devant le cercueil.

Avant ce moment solennel devant les différentes délégations venues des quatre coins du monde, j’ai eu la curiosité de jeter l’œil dans le cercueil du Chef suprême de la Révolution.

Mais devant Dieu et les hommes, sur ma tombe ; car je vais mourir un jour, le corps du président Ahmed Sékou Touré n’était pas dans le cercueil exposé dans la salle des Congrès du Palais du Peuple.

Mon témoignage n’est pas du genre n’est pas issu des rumeurs ou des ragots. Non ! J’ai été témoin oculaire de cet événement. A 17 ans de ma vie, j’ai vu l’intérieur du cercueil qui était vide.

M’ayant vu auprès du cercueil, tonton Damatang Camara cria fort en ces termes : « Eh ! Mon fils, revient ici. ». Il m’a appelé vers lui parce que j’étais aussi un ami d’école de tous ses enfants et un voisin de quartier.

Voyant ce comportement, surtout le mien. La garde royale s’énerva et nous mit au dehors tous les membres de la garde politique mobilisée auprès du cercueil. Ainsi, tous les dignitaires du régime, y compris ministres ont été priés de quitter auprès du cercueil. C’est ainsi que les rideaux ont été refermés sur l’endroit auquel était déposé le cercueil.

Quelques minutes après, les rideaux ont été ouverts de nouveau pour laisser entrer la nouvelle équipe de garde politique de nuit.

Face à cette découverte inattendue pour, mon père s’inquiéta pour ma sécurité de peur que je ne sois pas mis aux arrêts après l’inhumation du Chef suprême de la Révolution. C’est ainsi que je suis resté caché jusqu’à la prise du pouvoir par le CMRN, le 3 avril 1984.

En 38 ans de vie, c’est ma première fois de faire ce témoignage, car chaque partie de l’histoire a son temps.

A l’époque, ma famille s’est posée la question pourquoi le président libérien Samuel Doe est aussitôt retourné dans son pays à bord de son avion sans pour autant poursuivre son séjour en Guinée ?

J’ai en disant que le corps du président Sékou Touré n’est pas arrivé en Guinée. Donc lui, sachant bien qu’il vient d’un pays en guerre, il a voulu être prudent en rentrant immédiatement chez-lui.

Sous la Révolution, le pouvoir en place savait garder confidentiellement les secrets d’Etat. Car plusieurs grands dignitaires du régime sont arrivés en Guinée sans connaitre la vérité sur la mort du président Sékou Touré.

Connaissait le Guinéen, le président Ahmed Sékou Touré avait pris toutes les précautions pour ne pas être inhumé en Guinée après sa mort. Donc, il n’a pris aucun risque, de se faire enterrer en Guinée. Par peur de ne pas voir, peut-être, sa tombe profanée un jour.

Sur cette terre de Dieu, je mets au défi toute personne qui prouverait le contraire de mon témoignage. Je reste disponible, mais je ne crois pas au contraire. A moins qu’il n’y ait eu, ce jour-là, deux cercueils au Palais du Peuple.

Mais j’insiste, persiste et signe qu’à 17 ans, j’étais présent au Palais du Peuple, où je suis resté jusque tard la nuit. J’ai eu la chance de voir l’intérieur du supposé cercueil contenant le président Ahmed Sékou Touré. Je suis prêt à croire un jour à la Nation Guinéenne sur 3 points :

1-Qu’on accepte une seule vérité, car il n’y a pas deux vérités, non, il y un mensonge, et il y a une vérité. Or, en Guinée, toute vérité est relative. Elle n’est bonne que si elle t’arrange. Elle n’est pas bonne si elle dérange les intérêts des uns et des autres. Voilà la définition de la vérité en Guinée depuis 64 ans.

2- Une justice unique avec une loi valable pour tous. Une loi qui ne change pas en fonction d’un régime ou d’un président ou de l’humeur d’un seul humain,

3-Une transparence obligatoire dans la gestion des biens publics et une redistribution des bénéfices à tous les fils de na Nation Guinéenne ;

Voilà le rêve d’un citoyen Guinéen qui croit toujours que ce jour arrivera tôt ou tard.

Bonne fête des 64 ans d’Indépendance de notre cher pays ! Que Dieu protège la Guinée et les Guinéens. »