Le procès des présumés bourreaux de M’mah Sylla a repris ce 22 novembre au tribunal de première instance de Mafanco. Patrice et Daniel Lamah, ainsi que Sébory Cissé répondent des accusations de : » Viol, avortement, risque causé à autrui et administration de substances nuisibles » sur la personne de la victime. Célestin Millimono, lui, est en fuite. L’interrogatoire de Sébory Cissé, médecin-chirurgien, s’est poursuivi ce mardi. A l’audience du 8 novembre, l’accusé a expliqué avoir reçu M’mah Sylla en état de choc : les intestins et l’utérus perforés, les selles coulant par voix vaginale. Il s’est présenté comme celui qui voulait sauver la vie de M’mah Sylla.
A la barre ce 22 novembre, il a persisté être une » victime dans cette affaire ». Mais la partie civile accuse la négligence du médecin: » Vous êtes sous serment, des soi-disant médecins vous amènent une patiente en état de choc, pratiquement mourante, vous ne la référez pas dans un centre hospitalier plus approprié », relève Me Halimatou Camara. » Je suis convaincu que je n’ai pas failli à ma mission. L’état de M’mah Sylla était préoccupant. Je ne rentrais même pas chez moi, je me battais pour la sauver », rétorque Sébory Cissé.
L’avocate d’enchaîner : » Mais vous l’avez quand-même gardé pendant deux semaines. Selon vous, les bourreaux ont reconnu leurs actes, mais vous ne les avez pas dénoncés. Vous n’avez pas signalé le cas à l’ordre des médecins ».
En deuil de son frère, mort de Covid-19, le médecin-chirurgien déclare avoir encouragé la famille de la victime à porter plainte. Le représentant du ministère public estime que la clinique de l’accusé ne devait pas être opérationnelle. » Vous aviez l’agrément, mais pas l’autorisation d’exercer. Et vos coaccusés ont estimé qu’ils pouvaient envoyer M’mah Sylla dans une clinique clandestine au détriment d’un CHU pour continuer à la cacher », accuse le procureur. Sébory Cissé réfute cette thèse : » J’exerçais légalement, nous recevions les inspecteurs tous les mois, et j’avais fait ma demande d’autorisation d’exercer. Elle était en cours de traitement ».
Avant de toucher M’mah Sylla, Sébory Cissé a fait signer un engagement de » responsabilité pénale et médicale » à ses coaccusés. A l’audience de ce mardi, l’avocat de Daniel Lamah s’interroge plutôt sur le rapport médical qui devait accompagner la victime à Ignace Deen : » Qu’est-ce qui prouve que vous avez fait un rapport médical détaillé au moment de transférer la patiente à Ignace Deen ? » Sébory Cissé de répondre : » Il est versé dans le dossier de la procédure, vous pouvez vérifier. Et vos clients, quand ils la transféraient chez moi, il n’y avait aucun rapport médical ». » Alors vous n’auriez pas dû la toucher sans ce rapport médical. Au lieu de chercher à avoir des engagements, vous auriez dû la référer », ajoute l’avocat. » J’ai voulu la sauver », réplique l’accusé. Au moment où nous écrivions cette dépêche, l’audience était suspendue.
Le 20 novembre 2021, M’mah Sylla poussait son dernier soupir dans une clinique de Tunis où elle avait été évacuée. Violée à plusieurs reprises par de prétendus médecins chez qui elle était venue se faire soigner, la jeune femme de 25 ans n’a pas survécu aux sept opérations chirurgicales qu’elle a subies. Trois des quatre mis en cause sont jugés devant le tribunal de Mafanco. Sébory Cissé est l’un d’eux.
Yacine Diallo