Le dialogue national censé remettre la Guinée sur le chemin de la démocratie a été officiellement lancé le 24 novembre dernier. L’événement a réuni un parterre de personnalités dont le médiateur de la CEDEAO dans la crise guinéenne, l’ancien président béninois Yayi Bonus. Malgré « la sérénité et l’optimisme » des participants, ce dialogue risque d’être un coup d’épée dans l’eau. Et pour cause, lorsqu’on parle politique en Guinée en l’absence du trio RPG, l’UFDG et l’UFR, on amuse la galerie. Carrément.
Ce dialogue risque de battre de l’aile. Parce que les dialogueurs ont été présélectionnés. Majoritairement ce sont ceux qui, durant le règne du RPG, ont incarné l’image d’opposant le matin et partisan le soir. Or, comme les trois partis absents ont toujours clamé, ce sont ceux qui ont des revendications qui doivent négocier. Ceux qui sont d’accord sur toute la longueur de la ligne ont tout le loisir de monologuer. La plupart des têtes qu’on a vu défiler jeudi 24 novembre devant les caméras de la télé-bion nationale sont accusé de figurer sur la liste que les mauvaises langues qualifient de béni-oui-oui du CNRD. Tout comme ils étaient d’accord avec le RPG hier. Il parait que le retournement de vestes n’est pas aussi compliqué qu’on ne le croit.
Dans tous les cas, la junte de Conakry semble se complaire dans une position peu confortable. A moins qu’elle ne se retrouve dans une espèce de sandwich inattendu. D’un côté, elle essaie de résister aux multiples pressions de la communauté internationale pour la publication d’un chronogramme réaliste en vue d’un retour à l’ordre constitutionnelle. De l’autre, les acteurs politiques les plus représentatifs sur le terrain, suite aux différentes élections organisées en Guinée ces dernières années, posent des conditions difficilement acceptables par un pouvoir militaire.
Entre autres le quatuor avait exigé la libération des prisonniers politiques et le retour des dirigeants en exil. Sans soulever le cas des prisonniers politiques doublés d’auteurs présumés de graves malversations financières. Le quatuor demande également l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires contre les responsables politiques et ceux de la société civile ; la levée de l’interdiction de manifester ; la publication de la liste nominative des membres du CNRD ; la déclaration des biens des membres du CNRD et du gouvernement; l’ouverture d’une enquête pour identifier et poursuivre devant les juridictions les auteurs des différents crimes de sang lors des manifestations pacifiques depuis l’avènement du CNRD; la restitution des biens confisqués en dehors des procédures judiciaires et le respect de la présomption d’innocence ; l’annulation de l’arrêté portant la dissolution du FNDC. Excusez du peu !
Le médiateur international et les facilitatrices guinéennes devaient tout mettre en œuvre pour revoir les divers contours du fil du dialogue. Malheureusement, l’aile radicale du CNRD a tout l’air d’avoir pris le dessus. Auquel cas, céder à ces revendications serait synonyme de capitulation. De cause à effet, les stratèges du pouvoir semblent choisir des méthodes que les empêcheurs de tourner en rond qualifient de …surannées. Pour pourrir davantage le terrain socio-politique, le mariage de raison entre les membres du Quatuor que tout oppose n’a tenu que quelques semaines.
Une telle division ne saurait être qu’un cadeau inespéré pour la junte. Laquelle ne saurait perdre la chance de manœuvrer pour faire avec ceux qui sont prêts à l’accompagner dans son dialogue. Un dialogue qui prend l’allure de consultations que M. Alpha Condé avaient organisées pour s’octroyer son troisième mandat ou encore les assises tenues sous l’égide de l’actuel patron du palais Mohamed V.
Or, l’adage est bien connu. Les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets. Encore une fois, organiser une grande messe politique en l’absence des trois partis qui ont occupé invariablement les trois premières places dans les différentes élections nationales et locales est tout simplement semblable à une farce.
Habib Yembering Diallo