Pour la première fois, la Guinée célèbre la Journée mondiale de la pneumonie le 12 novembre, fête instituée depuis 2009. «Innovation en matière de prévention et de prise en charge de la pneumonie chez l’enfant», tel est le thème retenu pour cette année. L’événement s’est déroulé à l’INSE (Institut de nutrition et de santé de l’enfant) sis à l’hôpital national Donka. Pour l’occasion l’Ong ALIMA (Alliance pour l’action médicale internationale) et l’AGUIPED (Association guinéenne de pédiatrie) ont coorganisé une conférence-débat sur la pathologie. Histoire d’attirer l’attention de la population, des donateurs, des médecins, ainsi que les décideurs aux dangers que représente la maladie chez les enfants de 0 à 5 ans.
Dr Ibrahima Sory Diallo, le secrétaire général de l’AGUIPED, affirme que la pneumonie reste la plus meurtrière des maladies chez les enfants dans les pays en développement. «Plus de 1,5 millions d’enfants succombent chaque année, c’est plus n’importe quelle autre maladie. Pour la première fois, les vaccins contre la pneumonie sont administrés aux enfants dans les pays en développement presqu’au même moment que ceux des pays riches. Autrefois, il fallait dix ou quinze ans pour qu’un vaccin parvienne à un pays en développement », déclare-t-il. Selon lui, la vaccination permettra de réduire considérablement le nombre de décès liés à la maladie, causée par un virus, une bactérie ou parfois un champignon. «Aucun enfant ne devrait mourir à cause d’une maladie que nous savons prévenir. Or, 98,5 des décès surviennent dans les pays en développement », déplore-t-il.
Pour lutter contre la pneumonie, la vaccination demeure le moyen le plus efficace. L’allaitement maternel, l’alimentation améliorée, la lutte contre la pollution de l’air et l’utilisation restreinte des antibiotiques sont aussi des moyens sûrs d’éradication de la pathologie.
Projet AIRE à l’honneur
M. Sory Kéïta, le représentant Pays de ALIMA qui œuvre dans la lutte contre la pneumonie en Guinée, a aussi déclaré : «L’Ong ALIMA rassemble l’expertise médicale des employés humanitaires internationaux à celle d’Ong médicales nationales. Elle essaye de promouvoir le niveau du monde humanitaire par l’approche de l’intelligence collective pour le bien-être de la population. Les médecins et les infirmiers travaillent pour assurer la fourniture de la gratuité des soins prénataux, postnataux et obstétricaux d’urgence, aussi la prise en charge des IST (Infections sexuellement transmissibles) et les soins postes avortements ». Et d’ajouter que ses équipes médicales accompagnent aussi les accouchements simples et compliqués, la fourniture des services de planifications familiales et l’organisation de visite à domicile pour le suivi médical des mères et des enfants.
En juillet 2019, grâce à un financement de l’Unitaid, l’Ong ALIMA a coordonné le projet AIRE (Améliorer l’identification des détresses respiratoires chez l’enfant) dans la préfecture de Télimélé et dans la commune de Matoto. Il a permis l’introduction de l’oxymètre de pouls dans les directives de la PCIMNE (Prise en charge intégrée des maladies du nouveau-né et de l’enfant). AIRE a renforcé également les capacités des agents de santé, doté les structures en médicaments et de prise en charge. Le représentant Pays de ALIMA invite à mobiliser les ressources techniques et financières afin de renforcer les innovations concourant à la réduction du taux de décès liés à la pneumonie en Guinée.
Dr Alphonse Sakouvogui, le Conseiller santé du Premier ministre, soutient qu’une bonne utilisation des moyens de prévention pourrait drastiquement réduire la maladie. «C’est une priorité pour le gouvernement, car la santé des adultes passe obligatoirement par celle des adolescents », et d’appeler à soutenir la vision du gouvernement dans le même sens.
Chiffres inquiétants !
Selon le service pédiatrie de l’hôpital national Ignace-Deen, de janvier 2015 à décembre 2021, une étude a concerné 2 000 enfants consultés pour diverses pathologies. Elle a enregistré 451 cas de pneumonie, soit 22,55%. Les facteurs de risque sont notamment la malnutrition, le manque d’allaitement maternel, la pollution de l’air.
Mamoudou Condé, médecin au département de nutrition et de santé de Donka, à son tour, révèle que de janvier à juillet 2021, «nous avons reçu en consultation 769 patients dont 160 cas de pneumonie. Un pourcentage de 21% ». Pour anéantir cette maladie des enfants, il plaide pour la dotation d’une radio mobile, l’octroi d’un distributeur d’oxygène, la construction d’un centre de formation, entre autres.
Oxymètres de pouls distribués
Dans le cadre du projet AIRE, financé par Unitaid, mis en œuvre par l’Ong ALIMA, 61 oxymètres de pouls ont été distribués à 31 centres de santé de Télimélé et de la commune de Matoto (Conakry). 96 agents de santé ont été formés à la PCIMNE et à l’utilisation de l’oxymètre de pouls. Aussi, 76 agents de santé communautaires, 813 relais communautaires ont été formés sur l’identification des signes de danger de la maladie. L’hôpital préfectoral de Télimélé, l’hôpital d’Entag-Nord et l’hôpital national d’Ignace-Deen ont été équipés de concentrateurs d’oxygène.
Dr Freddy Sangala, le coordinateur du projet AIRE, déclare que la pneumonie représente 13% de décès chez les enfants d’1 à 59 mois. Ceux de 0 à 28 jours représentent 3%. Globalement, le taux de mortalité des enfants de 0 à 5 ans de la pneumonie est de 16%, «c’est la première maladie tueuse chez les enfants», affirme-t-il. Il explique qu’il y a des enfants qui décèdent dans les bras de leurs mamans, faute de détecteur de détresse respiratoire. «Dans les 31 centres de santé de Télimélé et de Matoto, nous avons consulté 69 441, selon les protocoles PCMNE. On a identifié 52 132 enfants éligibles à la pneumonie. Nous sollicitons que l’oxymore de pouls soit officiellement introduit dans le protocole de PCMNE. Nous invitons les partenaires techniques et financiers à appuyer les soins de santé primaires par l’octroi de l’oxymore de pouls et d’appuyer aussi le ministère de la Santé dans le cadre du PCMNE», plaide Dr Sangala.
ALIMA est une organisation humanitaire médicale créée en 2009. En Guinée, elle assure la mise en œuvre du projet dans 31 centres de santé primaires répartis au niveau de la Direction communale de la santé : Matoto (16 Centres de santé) et le district sanitaire de Télimélé (15 Centres de santé) ainsi qu’à l’hôpital national Ignace-Deen et l’hôpital préfectoral de Télimélé.
Yaya Doumbouya