Avec une aisance remarquable, le Capitaine Moussa Dadis Camara a donné sa version « du complot ourdi contre lui par le trio Alpha Condé, Général Sékouba Konaté et Aboubacar Toumba Diakité. » La belle aubaine ! Alpha Condé pourrait se faire entendre du Guinéen lambda sur certains « silences » qui ont marqué son passé d’opposant historique. Lui demander de s’expliquer sur son refus de débattre avec son challenger de 2010 sur un programme de gouvernement serait un hors-sujet doublé « d’une sous-estimation » de son statut de candidat sorbonnard. Depuis l’indépendance du pays en 1958, une présidentielle guinéenne n’avait enregistré une candidature d’une telle envergure. Dieu merci, on se savait déjà bien servis !
Il en va tout autrement au plan sécuritaire. Ce n’est pas la première fois que le leader du RPG est accusé de déstabilisation de cette Guinée qu’il se propose pourtant de rassembler. Sûr que certaines accusations relèvent du grotesque. Un ministre de l’Intérieur de Fory Coco, sain de corps et d’esprit jusqu’aujourd’hui, a osé montrer sur les antennes de la RTG, des caisses suspectes, débarquées d’Air Afrique à l’aéroport international de Gbessia, censées contenir du matériel subversif, recouvert du fanion du RPG. Les Guinéens en ont pensé ce qu’il fallait en penser. Dans un silence assourdissant.
Puis vint la présidentielle de 1998. Le candidat Alpha Condé, député de son état, se fait appréhender à Lola, dans la sous-préfecture de Pinet, « en flagrant délit de fuite » Il est ramené manu-militari à Cona-cris, confié à l’hôtel 5 étoiles de Coronthie et inculpé « d’atteintes à l’autorité de l’État et à l’intégrité du territoire national » et « emploi illégal de la force armée ». La Cour de Sûreté de l’État lui rappelle qu’il avait amassé à Sipilou, une horde de 10 000 rebelles, prêts à attaquer la Guinée fière et jeune. Alpha ne pipe maux en guise de réponse. Plus tard, des petits perturbateurs guinéens feront le voyage de Sipilou à partir d’Abidjan pour apprendre à leurs dépens qu’il est humainement impossible de réunir un tel nombre « d’étrangers » dans une localité si minuscule. Mais, ce n’est malheureusement pas tout. Il y avait eu des précédents.
Alpha Condé avait été soupçonné d’avoir joué un rôle majeur dans la révolte de l’armée guinéenne à l’occasion de la mutinerie des 2 et 3 février 1996. Selon bien des voix, et non des moindres, Fory Coco suivait de près la grogne des troupes, il avait ordonné la récupération de toutes les batteries des chars pour en garantir l’immobilisation « le Jour J ». Ordre effectivement exécuté. Alpha Condé se retrouve alors avec un cercle restreint de hauts gradés, met la main à la poche pour l’achat de nouvelles batteries en vue de « faire le coup et en proclamer le RPG commanditaire. » Il prend son avion pour Paris dans le plus profond des silences. Patatras ! Des caciques du Parti décodent le topo. Ils se rendent tout droit chez René-la-Gomme, alors ministre de l’Intérieur et la Sécuraté pour dénoncer la manœuvre. « Nous-nous battons légalement pour obtenir le pouvoir. » Le flop est assuré. Mais au retour d’Alpha au Pays natal, le RPG connaîtra ses premiers « traîtres. » Il en est qui vivent encore. Dans le silence le plus absolu ; le pouvoir lui-même n’avait pas bougé le petit doigt. Allez savoir pourquoi. Si cette fois-ci, Alpha pouvait en parler en présence d’El Dadis, l’or aurait changé …de valeur.
Diallo Souleymane