Cinq personnes, dont une vice-présidente grecque du Parlement européen, ont été interpellées vendredi 9 décembre à Bruxelles dans le cadre d’une enquête ouverte cet été par un juge financier belge sur des soupçons de corruption par le Qatar au sein de l’institution.
L’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, une des vice-présidentes du Parlement européen, a été interpellée vendredi soir 9 décembre à Bruxelles dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de corruption impliquant le Qatar. Quatre autres arrestations avaient déjà eu lieu dans la capitale belge dans la matinée dans ce même dossier. L’eurodéputée, qui est la compagne d’un de ces quatre suspects, a été « interpellée pour être auditionnée » par la police, a précisé à l’Agence France-Presse une source proche du dossier.
L’enquête pilotée par un juge d’instruction bruxellois porte en particulier sur les agissements du Qatar, soupçonné d’« influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, en versant des sommes d’argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants », a souligné le parquet fédéral. Quant aux bénéficiaires, il s’agit de personnalités ayant « une position politique et/ou stratégique significative » au sein du Parlement. L’enquête vise entre autres des faits de « corruption » et de « blanchiment d’argent » en bande organisée, précise encore un communiqué du parquet.
Six cent mille euros saisis
Au cours de l’opération menée vendredi dernier, environ 600 000 euros en liquide, ainsi que du matériel informatique et des téléphones portables ont été saisis par la police. « Cette opération visait en particulier des assistants parlementaires travaillant au sein du Parlement européen », a poursuivi le parquet fédéral. Les cadeaux ou avantages offerts pourraient être liés à la volonté du Qatar d’améliorer sa réputation décriée en matière de droits humains et de traitement des travailleurs.
D’après les informations du quotidien francophone Le Soir et du journal flamand Knack qui ont enquêté conjointement, le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale, l’Italien Luca Visentini, compte parmi les personnes arrêtées. C’est également le cas de l’ex-eurodéputé socialiste italien Pier-Antonio Panzeri, qui a présidé la sous-commission des Droits de l’homme au Parlement européen, d’un assistant parlementaire et un directeur d’ONG. Une dizaine de personnes supplémentaires doivent aussi être entendues par les enquêteurs, rapporte le correspondant de l’AFP à Bruxelles, Pierre Benazet. Parmi elles, de nombreux assistants parlementaires.
Au Parlement, des députés estiment qu’il s’agit de faits « extrêmement graves ». Ils tiennent à rappeler qu’une résolution a été votée fin novembre pour que la Fifa aide à indemniser les familles de travailleurs décédés lors des préparatifs de la Coupe du monde.
Les réactions en Grèce
Kaili, le nom de la vice-présidente grecque du Parlement européen est à présent le mot-clé le plus largement discuté sur Twitter en Grèce, écrit notre correspondant à Athènes, Joël Bronner. C’est sur cette même plateforme que son parti de gauche – le Pasok-Kinal – a annoncé son éviction dès le vendredi 9 décembre au soir. On peut y lire que, « à la suite des derniers développements et à l’enquête des autorités belges sur la corruption de fonctionnaires européens, la députée européenne Eva Kaili est exclue […] sur décision du président Nikos Androulakis ».
Le quotidien Kathimerini, proche du pouvoir conservateur, ne manque pas, lui, d’égratigner cette ancienne présentatrice télé, eurodéputée depuis 2014. « On rappelle, écrit le journal, qu’Eva Kaili avait récemment (le 22 novembre) suscité de vives réactions avec sa prise de position au Parlement européen en faveur du Qatar, qu’elle avait qualifié de « pionnier en matière de droit du travail » ». Des propos d’une extrême bienveillance, qui semblent en effet plaider à présent contre elle : « Aujourd’hui la Coupe du monde au Qatar prouve à quel point la diplomatie par le sport peut parvenir à la transformation historique d’un pays, avec des réformes qui ont inspiré le monde arabe. […] Ils ont déjà réussi l’impossible. »
Un membre du parti d’opposition Syriza ironise lui sur les accusations de corruption qui touchent celle, qui, rappelle-t-il, vidéo de 2018 à l’appui, « traitait de paresseux nos concitoyens qui perçoivent des allocations ».
(Avec AFP)