Quand le capitaine Moussa Dadis Camara a sollicité le report de sa comparution au motif qu’il était souffrant, l’autre tribunal, (les réseaux sociaux), a estimé que le tribunal, lui, a fait ce que lui-même n’avait pas fait à d’autres quand il était au sommet de sa gloire. Mais à voir sa prestation du 12 décembre dernier, on se rend compte que le capitaine voulait reculer pour mieux sauter.
Dans un pays où la passion et l’émotion prennent souvent le dessus sur le rationnel, son passage à la barre a fait de Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba un héros. Le grand orateur voire l’érudit a adopté une attitude et un comportement qui répondent parfaitement au nom Sidighi, qui signifie le véridique en arabe. Toumba a usé et abusé des versets du livre saint à la barre. Raison pour laquelle, beaucoup de Guinéens avaient déjà tranché.
Après la comparution du bouillant capitaine le 12 décembre beaucoup ont vite changé d’avis. D’autant plus que l’ancien chef de la junte a remué le couteau dans la plaie en mettant l’accent sur le sport favori des Guinéens : la politique. En disant tout haut ce que nombre de ses compatriotes ont murmuré pendant plus d’une décennie.
Le complot contre Dadis n’est pas une nouveauté. D’autres l’avaient dit avant le principal concerné. Le fait que Dadis le réitère, cela vient réconforter ceux qui voyaient la main des deux anciens présidents derrière ce drame. C’est aussi une nouvelle épine dans le pied du tribunal.
Et pour cause, trois des protagonistes sont des anciens chefs de l’Etat guinéens. Dadis accuse le trio Aboubacar Sidiki Diakité-Alpha Condé-Sékouba Konaté d’avoir comploté pour le renverser. Cette accusation change la dimension et les enjeux du procès. Le premier est dans la salle, les deux autres sont loin du pays, leur comparution relève d’une véritable gageure.
Accusé dans un autre dossier relatif à sa gestion du pays, Alpha Condé a repris son ancien statut de refugié politique. Cette fois en Turquie. Même si sa gestion avait été des plus orthodoxes, sa venue pour témoigner à ce procès aurait été aléatoire. Sans compter que des soupçons de corruption et de détournement pèsent désormais contre lui. Quant à son extradition, l’éventualité est plutôt chimérique.
Quid de Sékouba Konaté ? Pour le moment, ce dernier ne fait pas l’objet de poursuites judiciaires. Mais on voit mal l’homme venir de son propre chef pour éclairer la lanterne des Guinéens. Or, au regard des révélations que Dadis a faites, et pour que ce procès tienne toutes ses promesses, les principaux protagonistes devaient se retrouver à Conakry. Un vœu pieu.
L’impossibilité de réunir toutes ces personnalités dans la capitale guinéenne constitue un véritable obstacle pour la manifestation de la vérité. C’est, entre autres raisons, pourquoi les procès aux multiples dimensions et enjeux sont délocalisés sous d’autres cieux que là où les crimes ont été commis. L’objectif est de permettre aux accusés et témoins de se sentir en sécurité.
Si le procès sur les événements du 28 septembre se tenait à Dakar, Cotonou ou Paris, le trio d’anciens chefs d’Etat pouvait se retrouver. Mais dans le contexte actuel, réunir Moussa Dadis Camara, Sékouba Konaté et Alpha Condé à Conakry relève du rêve. Qui ne se réalisera que le 31 février.
Habib Yembering Diallo