Lundi 12 décembre, 28ème jour du procès des massacres du 28 septembre 2009. Moussa Dadis Camara, ex président de la transition de 2009, comparaît devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à Kaloum. Son audition le 5 décembre avait été reportée, pour des soucis de santé qu’il avait exprimés. Inculpé pour, entre autres, complicité de meurtre, d’assassinats, viols, pillages, incendie volontaire, enlèvement et séquestration, l’ex président du CNDD a nié les faits qui lui sont reprochés.
A la barre, dans un boubou ample, Moussa Dadis a formulé des prières à l’endroit des victimes et présenté des condoléances au peuple de Guinée. Il a rendu ensuite un vibrant hommage à feu Joseph Makambo Loua, l’un de ses gardes corps qui avait perdu la vie le 3 décembre 2009, en essayant de le sauver lors de la tentative d’assassinat intentée contre lui par son ancien aide de camp, Aboubacar Toumba Diakité. « Si je suis devant vous aujourd’hui, c’est grâce à Joseph Makambo qui a donné sa vie pour me sauver. Que Dieu l’accepte dans son paradis ! ». Le capitaine a remercié les autorités actuelles notamment le président de la transition, Mamadi Doumbouya, pour avoir permis l’organisation de ce procès, ajoutant au tribunal qu’il est là pour laver son honneur. « Monsieur le président, l’homme qui est devant vous est honnête, sincère et patriote ».
De la prise du pouvoir
Son ancien aide de camp, Aboubacar Toumba Diakité, avait affirmé avoir donné le pouvoir à Moussa Dadis Camara. Ce qui met l’ex président de la junte dans tous ses états. «Pendant que j’étais dans le box des accusés, j’étais perturbé à cause des allégations de Toumba ». Selon lui, cette affirmation de Toumba Diakité était de frustrer toute l’armée guinéenne. Il ne comprend pas comment « un simple sergent qui lui a été présenté sans garde-corps », vient faire croire au monde entier que c’est lui qui lui a donné le pouvoir. « Je veux dire que si je suis devenu votre président, c’est grâce à feu général Lansana Conté ». L’ex président de la transition de 2009 révèle que pendant 3 ans sous général Lansana Conté, il avait 200 à 300 hommes à son compte qui dormaient chez lui, sans que ce dernier ne pipe mot. Son contact avec le général Lansana Conté aurait été facilité par le général Bambo Fofana. «Personne ne m’a donné le pouvoir, c’est Dieu qui m’a donné le pouvoir et toute l’armée guinéenne. Je n’ai vu Toumba qu’une seule fois ».
L’épisode entre lui et les autres officiers de l’armée notamment le général Mamadouba Toto Camara, Claude Pivi, le général Sékouba Camara et Issa Camara, Moussa Dadis Camara explique : « Nous partons dans le bureau de Sékouba Konaté qui avait déjà préparé Issa Camara, pour dire que c’est Sékouba Konaté qui sera président. C’est en ce moment que Pivi s’est levé pour taper la table. Pendant ce temps, dans la salle, d’autres officiers avaient organisé un vote. C’est comme ça, après le vote, il a été mentionné 1 Moussa Dadis Camara président du CNDD, président de la transition, ainsi de suite. »
Du massacre de 2009
S’agissant du massacre du 28 septembre 2009, Moussa Dadis Camara crie au complot. Selon lui, les « vrais événements du 28 septembre 2009 se sont produits avant la date». Il a évoqué son passage à Labé sur invitation des sages. Il déclare que le 28 septembre 2009, il voulait organiser une journée de pardon et de recueillement, rendre hommage aux compagnons de l’indépendance. « Ce jour, c’était pour organiser une rencontre au Palais du peuple, pour fêter et je devais prononcer un discours. C’était ma philosophie. Rapprocher les enfants du pays, pour que toutes les familles des compagnons se retrouvent et se pardonnent. C’est pourquoi, j’ai fait passer un communiqué pour rendre cette journée un jour férié ». L’ancien président de la Transition de 2009 raconte qu’après son retour de Labé tard la nuit (vers 00h), il est rentré se coucher. Une heure après, feu Joseph Makambo Loua l’a réveillé, pour lui dire que les leaders devaient organiser une marche. Ainsi, il a appelé Sidya Touré, président de l’UFR, pour lui dire de surseoir à la manifestation. Celui-ci lui a répondu qu’il se faisait tard et qu’il ne pouvait pas joindre les autres. «Je suis resté dans mon bureau. Vers 11h, on m’a dit qu’il y a des gens au stade. J’ai voulu me rendre au stade pour calmer les populations, parce que je pensais qu’elles avaient de l’estime pour moi. Mais Toumba Diakité m’a empêché, je suis resté au bureau. Après, on vient me dire qu’il y a eu massacre au stade, ce sont des militaires, avec à la tête, Toumba Diakité. J’étais dans tous mes états, j’ai dit comment lui qui m’a dit de ne pas aller, il peut aller faire cela. J’ai dit que s’il revenait, j’allais l’arrêter. Mais à son retour, il a dit qu’il était allé sauver les leaders. Ainsi, j’ai fait appel à la commission d’enquête de l’ONU ».
L’ancien président de la transition de 2009 insiste et persiste que le massacre du 28 septembre 2009 a été un complot savamment orchestré pour le faire faire partir du pouvoir, voire le tuer. Selon lui, c’est le général Sékouba Konaté et Toumba Diakité qui doivent venir ici demander pardon. Moussa Dadis affirme que c’est Alpha Condé, Sékouba Konaté et leur exécutant, Aboubacar Toumba Diakité qui ont organisé le massacre. Et pourquoi ? «Quand j’ai entamé les audits, Alpha Condé est venu dans mon bureau, il a dit le voleur est dans ton filet. J’ai demandé qui est ce voleur, il a dit c’est Monsieur Cellou Dalein Diallo. Ainsi, quand j’ai appelé les gens de venir, Cellou Dalein est venu. Je lui ai dit de sortir de la salle, parce que j’ai horreur de l’injustice. »
L’ancien président de la transition a expliqué de façon chronologique comment Alpha et Sékouba auraient tenté de l’éliminer, afin de le faire quitter du pouvoir. Le premier complot, serait de faire un coup d’Etat, mais cela n’a pas marché, parce que les hommes de Tiegboro qui étaient des forces spéciales et ceux de Claude Pivi alias Coplan seraient présents, le camp tenant ainsi le rapport de force. La deuxième « machination » serait de le tuer dans sa chambre. Comme ils n’ont pu faire tout cela, ils auraient commencé à arrêter les officiers Aïdor Bah, Commandant du régiment et son adjoint Saa Alphonse Touré et Abdoulaye Keita, Commandant du commando chinois, pour couper l’herbe sous les pieds.
Selon Dadis, Alpha Condé, Sékouba et leurs complices auraient tenté également de l’empoisonner. Il estime que, comme toutes ces tentatives ont échoué, ils auraient organisé les événements du 28 septembre 2009, pour le rendre « infréquentable, le mettre en mal avec la communauté internationale et le chasser du pouvoir. » Conséquences, selon Moussa Dadis, Sékouba a organisé les élections pour donner le pouvoir à Alpha Condé.
Par ailleurs, le capitaine Moussa Dadis Camara a fustigé l’Accord de Ouaga qu’il a considéré comme « un complot » ourdi contre lui. «C’est Alpha Condé même qui a donné la date du 28 septembre. Le jour des événements, Sékouba part à Macenta sans ordre de mission et part à N’Zérékoré. Quand il a appris qu’il y a eu des morts, il a pris son avion pour venir après. Comme il n’y a pas eu d’insurrection, ils ont manipulé Toumba Diakité pour m’assassiner… »
Après une pause, l’audience a repris au moment où nous mettions en ligne.
Ibn Adama