Le 17 janvier à Cona-cris, quatre ministres du gouvernement Nanard Goumou ont discuté avec les élus locaux du Grand-Conakry. Au menu, la «mauvaise gestion du foncier», l’assainissement et la gestion des ressources des collectivités.

Face aux maires, conseillés communaux et chefs de quartiers, Mory Condé, ministre de l’Administration du trottoir et de la décentralisation, a laissé éclater sa colère contre la «mauvaise» gestion de ces circonscriptions administratives. «Il est inconcevable que votre gestion soit contre la population qui vous a élus. Au moins, je reçois par jour quatre demandes d’intervention liées aux expropriations de parcelles à des citoyens par des élus locaux. Vous continuez à percevoir de l’argent avec des gens, afin de les réinstaller sur les emprises des routes déjà réaménagées. L’année dernière, elles avaient été déguerpies, mais les gens reviennent sous votre complicité», accuse le ministre.

Foncier, faut mettre fin à l’anarchie

Ibrahima Sory Bangoura, ministre de l’Usurbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du trottoir, déclare que la gestion du foncier a manqué de rigueur il y a longtemps, dénonçant une «complaisance». Il soutient que beaucoup de gens s’en sont servis pour se remplir les poches. «Nous sommes dans un programme pour améliorer les choses. Vous, les élus locaux, devez apporter le minimum de confort aux citoyens qui vont ont élus». Le ministre se fâche aussi que des proprios des zones non loties détiennent des documents fonciers. C’est pourquoi, il a invité les élus locaux au respect des règles du Foncier, à «être rigoureux» pour mettre un terme à l’anarchie.

Cartes d’identité biométriques, le casse-tête

Se procurer d’un extrait de naissance biométrique et d’une carte d’identité biométrique dans une commune de Cona-cris relève d’un parcours du combattant. Mory Condé condamne la situation. Il indique que l’Etat prendra ses responsabilités, pour retirer ces compétences des maires et les confier à des jeunes diplômés. «Si l’Etat a décentralisé certaines compétences à votre niveau, c’est pour amoindrir la souffrance des citoyens. Quand on me dit qu’à Ratoma un citoyen débourse 200 000 GNF pour se procurer d’un extrait de naissance biométrique, c’est grave ! Des éléments revendent des fiches gratuites, au vu et au su des conseillers communaux. Il y a aussi des jeunes qui arrivent à 6 heures aux Mairies, pour arnaquer les citoyens : pour s’inscrire, ils les font payer 10 000 ou 15 000 GNF. Quand l’officier délégué de l’Etat civil arrive, au lieu de respecter l’ordre d’arrivée, il traite d’abord les gens inscrits sur la liste moyennant de l’argent. Or, il y a là des gens qui attendent depuis deux ou trois heures», regrette Mory Condé.

Evitez de finir mal !

Le ministre Mory Condé dénonce le favoritisme au sein des Mairies. «J’ai demandé qu’on m’envoie la liste des agents d’Etat civil dans toute la zone de Conakry. Lorsqu’on a étudié la liste, 90% sont des cousins, des neveux qui sont là. Je ne suis pas contre, mais au moins, que le service soit de qualité. Mais au contraire, vous vous enrichissez, sans faire le travail. Vous avez vu les régimes précédents, des cadres ayant géré des affaires dans le pays. Posez-vous la question pourquoi chaque fois qu’un responsable quitte les affaires, il termine très mal et que ses progénitures ne prospèrent pas. C’est le malheur infligé aux citoyens qui retourne contre sa famille », affirme le ministre.

«Foutez-les tous à la porte !»

Mory Condé déclare que les tribunaux d’instance de Cona-cris sont débordés de dossiers de conflits domaniaux. Et généralement, estime-il, dans la plupart des dossiers, sont impliqués des maires, conseillers communaux, chefs de quartier ou chefs de secteur. «Dans les autres pays, ce sont les élus locaux qui s’érigent en défenseurs des citoyens contre les abus de l’Administration centrale». Il rêve, notre ministre. Très remonté, le ministre Condé ordonne le maire de Ratoma (Alpha Oumar Sacko) de démettre tous les chefs de quartier et de secteur de la zone de Lambanyi et de Tayaki. «Foutez-les tous à la porte ! Si vous ne le faîtes pas, vous allez partir. Ils sont en train de causer du tort aux citoyens». Le ministre des Infrastructures et des Trnasports, Mamadou Gando Barry, tempère : «La logique est de vous transférer des compétences, des ressources et avoir confiance en vous. Ce n’est pas de se substituer à vous, ce n’est pas de vous mettre à côté». Il invite les élus locaux à protéger le patrimoine routier et faire de la libération des emprises publiques une priorité. Amen !

Paquet de menaces

Aux maires de cinq communes de Cona-cris ainsi que ceux de Dubréka et de Coyah, Mory Condé exige, d’ici au 31 janvier, de faire la situation de tous les domaines de l’Etat dans chaque commune. «Le maire qui ne le fera pas, va partir purement et simplement. C’est très clair. Nous allons récupérer les domaines de l’Etat et y bâtir des infrastructures. Celui qui a acheté un domaine de l’Etat portera plainte contre l’élu local qui le lui a vendu. Je prendrai tout mon temps, afin que tous vos chefs de quartier, un à un, soient limogés. Parce que même pour les journées d’assainissement, vous êtes incapables de mobiliser les gens. A la prochaine journée d’assainissement de février prochain, s’il n’y aura pas mobilisation dans tous les quartiers de Conakry, vous les maires, vous allez tous partir avec les chefs de quartier», prévient Mory Condé.

Pour sa part, Hadja Safiatou Diallo, ministress de l’Environnement, des eaux et forêts, a invité les élus locaux à sensibiliser les citoyens afin que ceux-ci s’abonnent aux PME de ramassage d’ordures.

Mamadouba Tos Cas-marrant, au nom des maires, déclare avoir pris acte des exigences des ministres. «Nous allons prendre toutes les dispositions nécessaires pour répondre aux attentes de l’Administration centrale. Nous avons beaucoup de difficultés, mais nous sortons de cette salle avec beaucoup d’énergie», conclut-t-il. Un homme averti, en vaut deux, non ?

Yaya Doumbouya