Appelé à la barre du tribunal de Dixinn le 25 janvier, après une longue audition du capitaine El Dadis, Blaise Goumou a accusé Toumba Diakité et ses hommes d’avoir tiré au Stade, lors du massacre du 28 septembre 2009. Mais l’officier n’aura rien pu faire pour protéger les manifestants désarmés contre la répression militaire.
Substitut du pro-crieur militaire près le tribunal militaire de Cona-cris, puis pro-crieur militaire près le tribunal militaire en formation spéciale de Labé depuis l’année dernière, Blaise Goumou a croisé le fer avec ses homologues du tribunal criminel de Dixinn. Jugé dans l’affaire du massacre du 28 septembre, ce pandore incorporé dans l’armée guinéenne en 1993 fait face à un long chapelet d’accusations : coups et blessures volontaires, meurtres et complicité de viols, pillages, incendies volontaires, vols à main armée…Des accusations balayées du revers de la main. Lui aussi, à l’instar de la plupart de ceux qui l’ont précédé à la barre, indexe Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba.
« C’était ma première fois de croiser sur un lieu de manifestation des bérets rouges, dit l’accusé. Arrivés à bord de quatre ou cinq pickups, ils ont annihilé tous nos efforts. Toumba était devant. Ils sont descendus, se sont dirigés vers l’intérieur du stade en tirant ». Répondant à des questions du parquet, il précisera plus loin que c’était des tirs en l’air, sans faire de victime en sa présence. « On a décroché, renchérit Blaise Goumou. On ne pouvait pas y rester, connaissant Toumba. Il est venu ici, dans son plan d’intervention, a misé sur la récitation des versets coraniques pour faire croire à l’opinion qu’il est limpide. Monsieur le président, si vous aviez eu la malchance de découvrir Toumba pendant le temps du CNDD, vous l’auriez haï à jamais. »
Non-assistance à manifestants en danger ?
Le 28 septembre 2009, jour du massacre, Blaise Goumou déclare qu’il patrouillait en haute banlieue lorsque son chef et « ami » Moussa Tiégboro-bara l’a appelé pour connaître sa position. Il le rejoint à l’esplanade du stade du 28 Septembre, envahi par une marée humaine à l’appel de la classe politique pour protester contre la candidature à la présidentielle de 2010 du capitaine El Dadis. L’ambiance était bon enfant, malgré quelques échanges de gaz lacrymogènes lancés par la flicaille et la réaction de la foule par des jets de cailloux, interrompant ainsi l’exercice de sensibilisation auquel s’adonnait Tiégboro-bara Camara, selon l’accusé.
Avait-il vu Marcel Guilavogui, le neveu de Moussa Dadis Camara, présent au Stade le 28 septembre 2009 ? Goumou n’aurait pu dévisager que Toumba Diakité. Mais qu’a-t-il fait après pour protéger cette foule désarmée de la menace que faisait planer la présence des bidasses aux yeux rouges ? « On a quitté », répond l’accusé arguant d’une différence de rapport de force et des antécédents entre son service et celui de Toumba. Il était dans « l’impossibilité de secourir » les manifestants. Visiblement insatisfait, le parquet lui demande si, au moins, il avait informé sa hiérarchie de la situation explosive. Blaise Goumou répond tantôt par la négative, tantôt ne plus se le rappeler.
Si son service n’est chargé ni du maintien ni du rétablissement de l’ordre, l’accusé persiste et signe que sa présence au stade ne garantit pas qu’il ait posé des actes répréhensibles. « A l’instruction, j’ai demandé au juge s’il y a des preuves contre moi. Il a répondu qu’on en fournira plus tard. Or, en matière pénale, les preuves sont ce qu’est le sang pour le corps humain », se défend Blaise Goumou qui demande qu’on lui fournisse l’arme du crime, le nom de sa victime, le résultat de l’examen balistique… Une manière de démontrer ses connaissances en procédure pénale.
Kaléah, relations avec El Dadis
Il avait entamé son interrogatoire par brosser sa riche carrière faite de formations au Sénégal et au Gabon notamment, pour soigner son image ternie. Puis, Blaise Goumou a dénoncé les « contrevérités » de Toumba Diakité qui l’avait présenté comme un des maillons forts du pouvoir Chaud-NDD et instructeur principal des recrues de Kaléah soupçonnées d’avoir participé au massacre de 2009. « J’ai été à Kaléah en 2008. J’y ai donné des cours d’août à décembre. Personne ne pourrait nous reprocher cela, puisque c’était sous Lansana Conté. L’année suivante, je n’étais plus là-bas. Je suis en mesure de produire les actes qui l’attestent », proteste l’accusé. Et de renchérir : « Toumba lui-même a dit qu’il ne me connaissait pas, parce que je n’ai posé aucun acte de nature à attirer l’attention sur moi. (…) C’est à la Maison centrale que le président Dadis m’a découvert. Apprenant que j’ai fait mon cours d’état-major au Gabon, il s’est levé, ma serré la main, m’a demandé : où vous étiez pendant le CNDD ? Je ne vous ai pas découvert à temps ! C’est ici également que le colonel Pivi a fait ma connaissance. »
A l’inverse, charge Blaise Goumou, Toumba Diakité était « la mémoire, les oreilles, les yeux du président » en sa qualité d’aide de camp, commandant de la garde présidentielle. Poste qu’« il ne méritait pas. C’était un simple sergent à la prise du pouvoir, on le bombarde lieutenant. » Assis dans le box des accusés, Toumba écoute religieusement Goumou, souriant et remuant la tête régulièrement.
Diawo Labboyah