La Chine ne deviendra pas la première puissance mondiale avant la fin de la décennie comme ses dirigeants l’avaient espéré. Le Covid et d’autres fardeaux économiques entravent la réalisation de ses ambitions.

L’Empire du Milieu se voyait déjà au sommet de l’affiche. En termes de PIB, la deuxième économie mondiale devait dépasser les États-Unis dès 2028, selon l’institut de recherche britannique CEBR – le Centre pour la recherche économique et des affaires. Mais, dans son rapport annuel publié fin décembre, l’institut ajourne ce podium : la courbe de la croissance chinoise ne croisera pas celle des États-Unis avant, au plus tôt, 2036. Le centre japonais de recherche économique avait, lui aussi, revu sa projection à la baisse dès la mi-décembre. L’étoile de la Chine pâlit à vitesse grand V dans toutes les comparaisons internationales. C’est le grand enseignement de 2022.

Le Covid a grippé la machine ?

C’est avec l’apparition du coronavirus que la fameuse et vigoureuse croissance chinoise, selon les chiffres officiels, s’est enrayée. Elle est de 2,5% seulement en 2020, soit la moitié de l’objectif annuel fixé à 5%. Mais en 2021, son rebond est spectaculaire : plus de 8%. Xi Jinping veut y voir la consécration de sa stratégie « zéro Covid ». Cet isolement forcé, cette fermeture totale du pays, se révélera en fait une impasse sur le plan sanitaire, un déni démocratique et un ravage économique, avec la paralysie des entreprises une bonne partie de l’année 2022. La levée brutale des restrictions a soulagé la population, mais elle n’a pas encore remis l’économie en selle. La main d’œuvre n’afflue pas dans les grands centres industriels, car c’est surtout l’heure des comptes. Des entreprises et des commerces ont dû mettre la clé sous la porte, faute de personnel ou de clients. Kristalina Georgevia, la directrice du Fonds monétaire international, souligne que cette année 2022, la croissance chinoise sera au mieux égale, voire inférieure à la moyenne mondiale, pour la première fois en quarante ans, un vrai camouflet pour la Chine. Et cela ne va pas s’arranger très rapidement en 2023.

Car d’autres facteurs contribuent au déclin amorcé par la pandémie

Dans le sillage de la chute du promoteur Evergrande, qui lutte toujours pour sa survie, les autres géants de l’immobilier se débattent aussi pour éviter la faillite. Le secteur qui représente le quart du PIB chinois, avec la construction, n’est toujours pas sorti de l’ornière. Le montant total des ventes de logement a baissé de 25% l’an dernier. L’autre moteur de la croissance chinoise, le commerce, connaît lui aussi des ratés depuis quelques mois et la perspective d’une récession au niveau mondial va sans doute décourager la demande externe. La Chine, qui a longtemps tiré un grand bénéfice de l’ouverture du commerce mondial, est aujourd’hui confrontée à une vague de protectionnisme et de délocalisation en sa défaveur. Échaudées par les déboires d’Apple et de son usine Foxconn bloquée par la politique « zéro Covid », les multinationales préfèrent dorénavant d’autres pays aussi compétitifs. Une tendance lourde qui va peser sur la reprise et sur le mode de croissance de la Chine.

Sur le plan interne, l’essor économique de la Chine est grevé par sa démographie

La population diminue et vieillit. Pas vraiment de quoi dynamiser la croissance future. Pour assurer à ses compatriotes le développement promis, et gagner la compétition contre les États-Unis, Xi Jinping devra changer le modèle de croissance. Mais pour le moment, il met la priorité sur les questions de sécurité. Elles deviennent de nouvelles sources de légitimité pour conforter son pouvoir, puisque les succès économiques qui remplissaient cet office sont en train de se dérober.

Dominique Baillard (Rfi)