Le bras de fer opposant la junte au FNDC, Front national pour la défense de la Constitution, sur la gestion de la Transition, risque de perdurer en 2023. Pas mal d’aspects concourent à la divergence entre les deux camps. Entre autres, la détention depuis cinq mois, de Fonikè Menguè et Ibrahima Diallo, respectivement coordinateur national et chargé des opérations du FNDC. L’année 2023 s’annonce ainsi conflictuelle entre le FNDC et le CNRD, Comité national du rassemblement pour le développement. «Pour le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée et la libération des otages incarcérés à la Maison centrale de Conakry, nous reviendrons bientôt ! Préparez-vous !», écrit le Front, le 1er janvier 2023, sur sa page Facebook. Cet appel s’apparente au retour des manifestations, bien qu’interdites par la junte. Aussi, le rapport final du Cadre de dialogue inclusif inter-guinéen propose de s’abstenir de toute manifestation durant les 24 mois de la Transition. Histoire de permettre à la junte de dérouler son agenda sans buter à des voix discordantes de la classe politique ou de la société civile dont les ténors dénoncent une gestion unilatérale du pouvoir.
Le Front, fer de lance de la lutte contre le troisième mandat d’Alpha Condé, entend revenir en force pour «débarrasser la Guinée» d’un pouvoir militaire. Les uns en prison, les autres dans la clandestinité ou en «exil», le FNDC fixe la barre haut : mettre un terme au pouvoir du «tyran». Ils dénoncent notamment l’instrumentalisation de la Justice, la violation des droits de l’Homme, l’interdiction de manifestions politiques et sociales, le népotisme, le clientélisme, le favoritisme.
Le responsable des stratégies et de planifications du Front, Sékou Koundouno, absent du pays il y a des mois, critique régulièrement la Transition de Mamadi Doumbouya qu’il considère «tyran». Le 26 décembre 2022, il a été aperçu à Bissau, aux côtés de la troïka ayant boudé et rejeté les conclusions du Cadre de dialogue inclusif inter-guinéen. Sékou Koundouno dénonce un «simulacre de dialogue». Or, la junte continue de dérouler son agenda, malgré l’absence des leaders politiques et de la société civile.
Dans son discours de nouvel an 2023, Sékou Koundouno déclare que le FNDC et ses alliés «conscients de l’aspiration populaire au redressement de la Transition, travaillent sur une nouvelle architecture», afin de poursuivre le «combat citoyen». Il ajoute que des «grandes choses en synergie d’action ont été faites sans bruit ni publicité, dont la mise en œuvre sera déterminante en 2023 et changera inéluctablement les rapports de forces en présence.»
Quatorze morts au compteur
A son avènement au pouvoir le 5 septembre 2021, le colonel Mamadi Doumbouya avait promis de rompre avec les bavures douloureuses que subissaient des Guinéens durant la décennie de règne de son prédécesseur. Mais, en marge de la manifestation de rue conécutive à la hausse du prix du carburant en juin 2022, Thierno Mamadou Diallo, élève de la 10e année, a été atteint mortellement par balle, à Hamdallaye, commune de Ratoma. Première victime dans les manifestations sous le règne de la junte.
«Les souvenirs de 2022 sont atroces et sombres pour notre histoire commune avec un bilan exhaustif de plus de 14 morts assassinés sous les ordres de la nébuleuse du CNRD. Des prisonniers politiques dont les leaders du FNDC, des handicapés à vie, des orphelins, des veuves, des exilés, des kidnappings, séquestrations, harcèlements judiciaires permanents. Nous ne pouvons en tenir personne d’autre pour responsable que Mamadi Doumbouya et son clan», accuse Sékou Koundouno.
«Déloger le putschiste»
Nouvelle année, nouveaux challenges ! Sékou Koundouno annonce que le «seul défi que nous avons en 2023, c’est de nous débarrasser de Mamadi Doumbouya par tous les moyens légaux. Cette lutte sera rude et intense, car à sa disposition, il a l’administration publique, l’armée et les richesses du pays. Mais avec notre détermination et notre abnégation, nous arriverons à l’objectif ultime : déloger le putschiste et ses sbires du Palais Mohammed V et des institutions constitutionnelles prévues dans notre texte fondateur. La peur, l’hésitation, le relâchement sont nos pires ennemis. Et si nous nous résignons, chaque âme dans ce pays goûtera à la dictature du clan des despotes», prévient-il. Et d’accuser le CNRD de mettre en œuvre «un agenda machiavélique dangereux» pour la paix et la stabilité du pays.
Yaya Doumbouya