Les vrais procès propulsent souvent des noms tristement célèbres sur la scène internationale. Göring, Hess, Ribbentrop, Keitel…pour Nuremberg. Khalil, Mathias, Mansaré, Zaoro…à une échelle moindre, « célèbres » à l’issue du procès des gangs, au milieu des années 1990. Le reste est bien maigre au plan national. Le complot permanent, malheureusement, n’a pas engendré de procès permanents. Justes et équitables. Aussi, l’histoire de la Guinée indépendante ne manque-t-elle pas de bégaiements sur l’implantation et l’enracinement de la démocratie, avec les acrobaties électorales, les zigzags de la gouvernance, les peaux de bananes sous les pieds joints des opposants.
Le procès du massacre du 28 septembre 2009 commence à fabriquer ses vedettes. Toutes inculpées de « meurtres, pillages, viols, incendies volontaires, coups et blessures volontaires, enlèvements, tortures, séquestrations et agressions sexuelles ». Excusez du peu ! On voit que la justice guinéenne mérite son nom. Il lui arrive « d’oublier l’endroit où elle butte pour ne retenir que celui où elle tombe. » Sinon, la cause profonde de tous ces chefs d’inculpation relève d’un seul et même crime, celui de prendre, ou ne pas prendre, une part active, concrète, à l’interruption par les armes de la marche du pays vers l’instauration de la démocratie et de l’État de droit. Brutal aura été le réveil. Le détournement permanent des objectifs du célèbre non du 28 septembre 1958 s’est toujours laissé opérer par une clique rompue à la distribution de claques à la figure du peuple martyr de Guinée.
Il fut un temps où l’on n’osait appeler les choses par leur nom. Le PDG a vaillamment liquidé tous les comploteurs de « la 5è colonne » qui ont empêché le pays de vivre sa souveraineté nationale, son indépendance réelle, l’alternance démocratique. Sans réaliser que l’impérialisme avait fini par devenir le remède, non le mal. Les régimes violents qui se sont succédé dans le pays n’étaient même pas issus de coups d’État, mais « d’une prise salutaire du pouvoir par l’armée, une rectification, un redressement… »
A présent moins d’une vingtaine d’accusés fulminent devant le tribunal de Dixinn, délocalisé à Kaloum. Tous des militaires. A ce que l’on sache, les victimes n’avaient pas rempli le stade du 28 Septembre pour réclamer l’électricité. Elles parlaient plutôt de liberté vraie, celle qui aurait dû leur permettre de choisir leurs dirigeants par les urnes. Et si la justice se débrouillait comme elle sait le faire en matière de procès politiques, pour étoffer la liste des accusés avec le nom des champions en verbiage pseudo constitutionnel qui ont pavé la voie au 3è mandat d’Alpha Condé ? Elle permettrait non seulement à Dadis de mieux structurer sa pensée, mais elle fermerait la porte à toute velléité de violer la future constitution. « L’élu du peuple » qui se la coule douce à Istanbul saura mieux expliquer pourquoi il a été extrait de Sékhoutouréya sans la moindre réaction du vaillant peuple qui l’a mis là.
Il n’est pas absurde de déplorer l’absence de tous ceux que Dadis invite à comparaître. Ils doivent posséder des mines d’informations. Sékouba Konaté et Alpha Condé édifieront leurs concitoyens sur la goubernance politique qui leur a permis de se succéder dans cette espèce de paix en trompe-l’œil. N’y-a-il pas là une corrélation riche en rebondissements ? Ils nous éviteront certainement des conclusions hâtives sur les coups KO suivis de coups d’État. Constitutionnels ou militaires. « Les deux à la fois », pourraient ajouter Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré. Chacun de son côté.