Le retour au pouvoir de Lula Da Silva au Brésil fait certainement rêver certains anciens chefs d’Etat. Lesquels espèrent, eux aussi, revenir aux affaires. Parmi eux un certain Alpha Condé, ami de l’ancien et nouveau président brésilien. A l’occasion du nouvel an, l’ex président guinéen a adressé ses vœux à ses compatriotes. Dans ce message, Alpha Condé se considère toujours président de la Guinée. Parce que, estime-t-il, il est élu par les Guinéens.
Le contenu de ce message en dit long sur le nouvel état d’esprit de l’ancien président. Alpha Condé présente ses condoléances aux familles des soldats tombés le 5 septembre 2021 au palais présidentiel. Cela veut-il dire que le vieil homme soit capable de compatir à la douleur de quelqu’un ? Pourtant, avant cette date fatidique pour lui, beaucoup d’autres Guinéens étaient tombés sous les balles de ses soldats. Mais celui qui se montre subitement humain et sensible à la souffrance des autres, n’avait jamais eu la moindre compassion à l’égard des victimes de son régime.
Selon les statistiques macabres fournies par son opposition, en 11 ans de règne, celui qui avait promis aux Guinéens la démocratie et l’Etat de droit a fait autant de victimes que la tragédie du 28 septembre 2009 dont le procès est en cours. Mais, Alpha Condé n’en parle pas. Pour lui, la mort est en géométrie variable. Les soldats tombés au palais le jour de sa capture sont des martyrs. Tandis que les jeunes liquidés de sang-froid pendant les manifestations contre son régime sont des bandits.
D’ailleurs le président de l’assemblée nationale, issue du coup d’Etat constitutionnel disait que pour aller à Bambéto, il faut être armé. Un feu-vert aux agents à la gâchette facile de tirer à balles réelles sur les manifestants désarmés. Le même Amadou Damaro Camara apprend aujourd’hui à ses dépens que les jours se suivent mais ne se ressemblent pas.
S’agissant de la question de savoir si ce qui s’est passé au Brésil peut se reproduire en Guinée, Alpha Condé sait qu’il n’est pas interdit de rêver. Alpha n’est pas Lula. La Guinée n’est pas non plus le Brésil. Il y a une nette différence entre les deux situations. Lula n’était accusé que de corruption. Alpha, lui, est mêlé non seulement à des cas de corruption, mais il est aussi accusé des crimes de sang. D’ailleurs, pendant qu’il publiait son message, la machine judiciaire contre lui se mettait en branle. Aussi bien au plan local qu’international. A Conakry, comme à Paris, des voix se sont fait entendre pour mettre sur la table le dossier Condé.
Il est évident que l’extradition de « l’opposant historique » vers Conakry peut paraitre chimérique. Encore moins sa convocation vers La Haye. Mais en même temps, le fait qu’aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, la justice se fasse entendre éloigne de plus en plus le vieil homme du pouvoir. Sans compter que durant son règne il a beaucoup plus appris à la classe politique la ruse que l’exercice démocratique. Ce qui fait que la Guinée n’est en rien comparable au Brésil.
Alpha Condé peut continuer donc à rêver de son retour au pouvoir. C’est bien pour sa santé. A la fois physique et mentale. Parce que la vie est faite d’espoir. Malheureusement, l’homme apprend, avec un petit décalage, que la roue de l’histoire n’a pas arrêté de tourner. Les opprimés d’aujourd’hui peuvent être les oppresseurs de demain. Et vice-versa. C’est certainement cette réalité historique qui a conduit les peuples à choisir la démocratie comme mode de gouvernance.
Habib Yembering Diallo