Le 3 février à Cona-cris, le collectif des avocats des anciens dignitaires du régime déchu a soufflé sur la braise. Il estime que leurs clients ne seront point jugés avant la confirmation de leur mise en liberté par la Basse-cour suprême. D’ailleurs depuis juillet dernier, les avocats des Ibrahima Cas-Sorry et Cie attendent de la même Basse-cour une cassation.
Accusés de détournement de deniers publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux, excusez du peu, Ibrahima Cas-Sorry Fofana, ancien Premier ministre, Mohamed Diané, ancien ministre de la Défense nationale et Oyé-Oyé Guilavogui, ancien ministre de l’Environnement, sont loin de sortir de l’auberge. Le 31 janvier dernier, la Chambre de l’instruction de la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief) a émis une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant la Chambre de jugement de la Crief. En clair, les trois dignitaires seront jugés pour les charges susnommées. Celle liée à la ‘’corruption’’, qui leur était reprochée au départ, a sauté, faute de preuves, dit-on. Mais d’ores et déjà, le collectif de leurs avocats (sans vinaigrette) a désapprouvé la procédure, dénonçant des «violations flagrantes» des droits de leurs clients qui «sont séquestrés» depuis avril 2022 à l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie. Initiative du pro-crieur «très spécial» Aly Touré, qui les poursuit.
L’un des préalables est d’obtenir la liberté de Cas-Sorry auprès de la Basse-cour suprême, afin qu’il comparaisse libre devant la Chambre de jugement de la Crief. L’on se souvient que depuis juillet 2022, le collectif se bat pour la cassation de la décision de la Chambre de l’instruction de la Crief maintenant l’ancien PM en taule à la suite de quatre mises en liberté conditionnées au payement de trois petits milliards de francs glissants. Mais, d’emblée bloquées par l’appel du parquet spécial, chapeauté par Aly Touré.
L’autre préalable : Me Ousmane Sèye déclare pour que ses clients comparaissent, il faudrait que la presse guinéenne puisse couvrir le procès. Histoire de relever le niveau du débat entre parties, où la force des preuves est censée l’emporter.
Ibrahima Cas-Sorry est accusé de détournement de quinze milliards de francs glissants, transférés à l’Agence nationale d’inclusion économique et sociale (Anies). Me Sidiki Bérété estime que le gérant du compte est en fuite, et lui, il s’étonne que Cas-Sorry réponde à la place de celui-là. «C’est la première fois que le juge d’instruction nous indique que notre client est poursuivi pour quinze milliards de francs guinéens, depuis l’enquête préliminaire. Il ne dit jamais comment et quand il aurait détourné cet argent. Le budget, c’est une prévision. Notre client n’a jamais géré ce budget, même son directeur financier a certifié», clame Me Ousmane Sèye.
«Liquidation politique»
Me Djibril Kouyaté estime «qu’à défaut de preuves, on a opté pour une parodie de justice. Aller très rapidement au procès pour obtenir une condamnation sur la base du néant, afin d’empêcher nos clients d’être candidats aux échéances électorales à venir. C’est l’unique objectif. C’est pour les disqualifier.» Selon l’avocat, La Petite Cellule Dalein Diallo, grande figure politique, «forcé à exil», la junte chercherait à barrer le chemin à Ibrahima Cas-Sorry Fofana et à Mohamed Oyé-Oyé Guilavogui, entre autres, afin de ne pas briguer la magistrature suprême.
«Ibrahima Kassory Fofana a été kidnappé et séquestré à la Maison centrale de Conakry. C’est la réalité. Il était détenu sans mandat de dépôt. Il n’est pas normal qu’un juge décide de libérer quelqu’un et qu’un procureur qui est une partie au procès, exerçant un recours, la personne reste en prison. Nous attendons que la Cour suprême statue, parce qu’il s’agit de liberté. Cela fait six mois que la Cour suprême n’a pas statué sur notre dossier. Tantôt les magistrats ont été changés, tantôt les débats sont rouverts. C’est du dilatoire », dénonce Me Ousmane Sèye. Qui reste convaincu avoir à faire avec un «dossier politique qui tend vers un procès politique. On veut le liquider politiquement. C’est une liquidation politique et non judiciaire», peste l’avocat (sans vinaigrette).
Quid de Diané et Guilavogui ?
Les dossiers de Mohamed Diané et Oyé Guilavogui ont été traités par un autre cabinet d’instruction différent de celui du Cas-Sorry Fofana, (toujours au sein de la Chambre d’instruction de la Crief). Eux aussi sont renvoyés au jugement, leurs avocats s’étonnent du bien-fondé des ordonnances. «Mohamed Diané et Oyé Guilavogui qui sont devant d’autres cabinets d’instruction, les trois juges ont pris la même décision, avec le même délai de renvoi en disant que la charge de corruption ne s’applique pas. C’’est comme s’il y a concertation entre les trois juges d’instruction, pour prendre les mêmes décisions contre nos différents clients. C’est pourquoi, nous disons qu’il y a quelque-chose qui se prépare», alerte Me Sèye.
«Cabri mort n’a pas peur de couteau»
«Le procureur sous ordre de la Transition court pour organiser un procès de suicide. Mais, il n’y aura pas de procès tant que la Cour suprême ne termine pas de traiter notre dossier. Nos clients vont comparaître en prévenus libres. Il n’y aura pas de procès tant qu’ils sont en détention. Déjà un an de détention illégale, un cabri mort n’a pas peur de couteau. Nos clients refusent un procès de façade, de complaisance. Que la manipulation cesse ! On a fini d’humilier la législature guinéenne. Même au régime de Général Lansana Conté, on n’a pas agenouillé comme cela la Justice. Le peuple a une dignité et cela sera respecté à tout prix ! Advienne que pourra ! La justice ne doit pas être un instrument politique», peste Me Sidiki Bérété. CNRD, t’entends ça ?
Yaya Doumbouya