Le 13 février, au tribunal de première instance de Dixinn, s’est ouvert le procès de Mohamed Cissé. Un quadragénaire qui a tenté de tuer son ami. Sans détour, il reconnait les faits de tentative de meurtre.
C’est une affaire qui sort de l’ordinaire. Mohamed Cissé et Aly Kéïta, grands amis depuis 1996 à N’Zérékoré, travaillaient ensemble. Aly Kéïta, qui vit en Hollande, expédie des marchandises en Guinée, que Mohamed Cissé revend pour eux. Ce commerce devient peu à peu florissant, au point que Mohamed Cissé caresse le rêve de tuer son ami, Aly Kéïta, pour accaparer les biens. Il décide de passer à l’acte début 2020. Mohamed Cissé passe d’abord par le maraboutage. Devant le juge audiencier, il accuse la femme de son ami de l’avoir manipulé, en lui faisant croire qu’Aly Kéïta venait en Guinée pour se remarier : « Elle m’a dit de l’aider à empêcher son mari de voyager, parce qu’il vient prendre une deuxième femme ». A la veille du voyage d’Aly Kéïta en Guinée, Mohamed Cissé se cherche rapidement son simbo (marabout), qui lui demande deux millions de francs guinéens, pour satisfaire à leur demande : « Nous sommes allés à Yimbaya (commune de Matoto), la sœur de la femme d’Aly a payé l’argent». Le marabout leur fait croire qu’il a fait son travail. Le lendemain, à la surprise générale, Aly Kéïta demande à son ami d’aller le chercher à l’aéroport Gbessia. Ce dernier le ramène à son domicile à Hamdallaye. Le lendemain, Mohamed Cissé et Aly Kéïta passent la journée à Kaloum, pour le dédouanement d’un conteneur de marchandises.
Le marabout n’ayant pas réussi, Mohamed Cissé opte pour l’élimination physique d’Aly Kéïta, histoire de garder définitivement les biens de celui-ci. A travers un autre ami, Alhassane Condé, Mohamed Cissé entre en contact avec un certain John à qui il paie sept millions de francs guinéens pour assassiner Aly Kéïta : « Je voulais mettre fin à ses jours pour garder ses biens, j’ai renoncé le jour J, parce qu’il est mon ami. On a fait beaucoup de choses ensemble. Mais John, lui tenait à ce qu’on passe à l’acte. Il m’a appelé toute la journée, je ne décrochais pas. Il est venu chez moi vers 23h, je lui ai dit de tout arrêter. Il me demande de le raccompagner, c’est là que les gendarmes m’ont interpellé. »
Le malheur pour Mohamed Cissé, c’est que ce nommé John est un gendarme infiltré par la Brigade de recherche de Kipé qui avait eu vent du projet de l’accusé. John se fait donc passer pour un bandit, en vue de le démasquer : « C’est à la gendarmerie que je m’en suis rendu compte ». Mohamed Cissé jure qu’il avait renoncé à son projet funeste, parce que, dit-il, il s’était rendu compte de la gravité de son erreur : « C’était une tentation, je n’ai même pas envie de revenir sur ça. Je n’étais pas moi-même, c’est plus tard que je me suis retrouvé. Aujourd’hui, je suis dans un énorme remord ».
L’avocat de la défense insiste que les arguments utilisés par le ministère public pour étayer ses accusations ne tiennent pas la route. Il persiste qu’à partir du moment où son client ne s’est pas rendu au domicile de la victime et qu’il n’a pas exécuté « son plan, la tentative de meurtre ne saurait être prouvée ». Pour lui, on ne peut parler que d’un commencement d’exécution du plan, donc « loin d’une tentative de meurtre ». « On est en train de vous tromper », rétorque le procureur.
Dans cette affaire, Aly Kéïta a finalement renoncé à poursuivre son ami. Il a versé une lettre de désistement dans les dossiers de la procédure : « Cela ne met pas fin à l’action publique », annonce le procureur. « Pourtant, la victime s’est elle-même battue pour qu’on libère mon client ».
L’affaire est renvoyée au 27 février, pour les « réquisitions et plaidoiries ».
Yacine Diallo