Le 3 février, dans l’enceinte de la Cour d’appel de Cona-cris, le Barreau de Guinée a organisé un symposium en l’honneur de Maitre Bassirou Barry, avocat, décédé le 28 janvier à Abidjan. L’occasion pour ses amis et les acteurs du monde judiciaire de lui rendre un ultime hommage.
Un précurseur, une icône, un professionnel qui a remis la justice guinéenne sur les rails. C’est ainsi que l’on voit Maitre Bassirou Barry dans le secteur judiciaire guinéen. Tant il a marqué de son empreinte ce secteur, ces 40 dernières années. Les acteurs du monde judiciaire lui ont témoigné, pour la dernière fois, leur affection.
Membres du Conseil de l’Ordre des avocats, huissiers de justice, notaires, magistrats, cadres(en bois) du mystère de la Justice et des Droits de l’Homme, amis et proches parents, se sont mobilisés à la Cour d’appel pour lui rendre un dernier hommage. Tous ont salué un homme méticuleux qui a toujours fait de la rigueur son cheval de bataille : « Si la Guinée est parvenue à poursuivre la politique économique libérale en vue d’apporter aux citoyens et aux investisseurs la bonne gouvernance juridique et judiciaire, la libre circulation des biens et services, la sécurisation des investissements, l’harmonisation du droit des affaires et le rapprochement de la justice des justiciables, il a fallu des hommes inspirés d’une vision inébranlable comme Me Bassirou Barry», explique Mohamed Mouctar Sylla, secrétaire gênant de la Chambre nationale des huissiers de justice de Guinée. Aliou Barry, jeune frère du défunt pleure un homme serviable : « Koto Bassirou a voué sa vie au service de la patrie. Il a été pour nous un frère rassembleur, un exemple. Nous sommes sensibles à tout ce qui été dit ici sur le travail qu’il a accompli dans le secteur judiciaire. Sachez qu’il a fait la même chose dans sa famille et dans la société ». Et sa nièce, Me Aminata Barry d’ajouter que Me Bassirou Barry « ne courbais jamais l’échine quand il s’agissait de ses convictions. Il n’abdiquait jamais dans la défense de la cause commune».
Maitre Bassirou, le réformateur
Outre son métier d’avocat, feu Me Bassirou Barry a laissé une tache indélébile au mystère de la Justice. Quand il fuit la Guinée et la révolution du PDG, certainement à cause du sort réservé à son frère ainé, feu Barry Diawadou, il décide de se mettre au service de la nation à l’avènement du CMRN et du colonel Lansana Conté. Il est nommé ministre de la Justice. Les acteurs du monde judiciaire sont unanimes : c’est lui qui a posé les fondements d’une justice moderne : « Il sera appelé en 1985 pour servir son pays. Il constate avec amertume que le retard pris par la Guinée en matière d’organisation judiciaire», renseigne le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Mamadou Diop Souaré. Me Bassirou a alors entrepris des reformes pour redresser un secteur judiciaire chancelant. A son actif : la création du Barreau de Guinée, celle des professions libérales(les offices de notaires, d’huissiers et de commissaires-priseurs). Il supprimera certaines Cours d’appel. Il a été président et rapporteur de la commission chargée de l’élaboration de la loi fondamentale, membre de la commission de l’élaboration du Code foncier domanial, actuellement en vigueur. Il occupe pendant un an le poste de ministre des Affaires sociales et de l’Emploi. C’est en 1992 qu’il a fait son entrée au Barreau de Guinée. Il s’est fait remarquer notamment pendant le procès des événements des 2 et 3 février 1996, lors du procès de l’opposant (à l’époque), Alpha Grimpeur, pendant celui de l’attaque du domicile de ce dernier en 2011…
Mais avant, Me Bassirou Barry, produit de l’Université de Paris, dès son retour au bled, est nommé juge au tribunal de première instance de Conakry. Il occupe ensuite le poste de procureur de la république près le TPI de Kankan. Il occupe le même poste à Nzérékoré. En 1968, il devient avocat général près la Cour d’appel de Conakry. Me Bassirou a, par la suite, mis sa carrière de magistrat en parenthèses pour être le représentant spécial du secrétaire gênant de l’OUA auprès de la Guinée Equatoriale. Il est nommé ensuite conseiller juridique en chef de l’OUA à Addis-Abeba, puis le représentant permanent de l’organisation en Europe de l’Ouest. Après ce périple, il part à Abidjan où il occupe le poste d’avocat général près la Cour d’appel d’Abidjan durant dix années. Il est ensuite nommé conseiller technique au mystère de la Justice de Côte-d’Ivoire.
Maitre Bassirou Barry, 92 ans, laisse derrière lui quatre enfants dont deux filles. Il reposera désormais aux côtés de ses parents à Dabola.
Le Barreau de Guinée, en guise de reconnaissance, a décidé de baptiser sa salle de réunion : « Salle Me Bassirou Barry ». Cette cérémonie hommage à Me Barry a été marquée par l’absence des membres du CNRD et du goubernement. Même le ministre de la Justice s’est fait représenter par sa secrétaire gênante.
Yacine Diallo