Les 7 et 8 février, s’est tenu à Bujumbura, Burundi, l’atelier sur les droits de l’enfant et la justice transitionnelle en Afrique. Initiative de l’Institut pour les Droits humains et le développement en Afrique, IDHDA. Participant, le Président du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant. Une opportunité qui nous invite à effectuer le présent plaidoyer pour la poursuite et le renforcement du processus de justice transitionnelle en Guinée.
Les normes internationales et africaines d’une justice transitionnelle
La communauté internationale accorde une importance capitale à la justice transitionnelle pour la stabilité, la paix, le respect des droits humains et bien d’autres aspects essentiels du vivre ensemble. Il s’agit en quelque sorte d’accéder à « la vérité, la justice, la réparation et la réconciliation nationale ». Au niveau des Nations Unies, le Conseil de Sécurité, l’Assemblée générale et le Secrétaire général ont eu à prendre plusieurs initiatives en ce sens à travers l’édiction de normes et des actions sur le terrain. Il s’agit notamment de celle du Conseil de sécurité qui donne une définition large de la justice transitionnelle comme « l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre justice et de permettre la réconciliation ». Sur le plan africain, l’Union africaine n’est pas en reste. En 2019, la Commission de l’Union Africaine a élaboré et la Conférence des Chefs d’Etat a adopté la Politique de l’Union Africaine sur la justice transitionnelle. Un protocole guide pour les pays africains engagés dans le processus de justice transitionnelle.
La justice transitionnelle, passage obligé pour la Commission justice-vérité-réparation et réconciliation nationale
Dans ce domaine, en Guinée, plusieurs tentatives ont eu lieu et d’autres sont en cours. Nous avons en pensée les actes du début de restitution des biens saisis lors du premier régime par le gouvernement militaire après 1984, les travaux de la Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale sous le régime récemment renversé et les activités des Journées Pardon et Réconciliation en cours. Cependant, force est reconnaître que ces processus souffrent tous d’un manque d’une architecture institutionnelle à l’instar d’une Commission Justice-Vérité-Réparation et Réconciliation Nationale en tant que tel. Instruite des acquis et de l’expérience des pays africains ayant vécu des atrocités et expérimenté la justice transitionnelle, la Guinée ne peut faire l’économie d’un tel processus. Il est temps d’y penser et surtout d’agir en ce sens.
Au cœur de la justice transitionnelle, les genre et droits de l’enfant
Pour être efficace, la justice transitionnelle se doit d’être inclusive et pour l’être effectivement, doit donner la parole aux catégories les plus affectées par les actes du passé et les plus vulnérables de la société, en l’occurrence les femmes et les enfants. Ces deux catégories doivent être au cœur, en amont et en aval du processus. Les aspects spécifiques au genre doivent être pris en compte à tous les niveaux. L’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant relatif à la participation de l’enfant doit être la lumière qui éclaire le processus.
La consolidation du processus de justice transitionnelle dont les prémisses sont bien présentes mais timides passe nécessairement par la mise en place d’une véritable Commission Vérité-Justice-Réparation et Réconciliation Nationale en Guinée, ancrée sur les normes sus indiquées, dotée de moyens humains, matériels et financiers suffisants, disposant de pouvoirs étendus, s’inspirant des expériences des pays comme l’Afrique du Sud, le Rwanda, la Sierra Leone et le Libéria et ayant un caractère inclusif, avec un accent particulier sur le genre et les droits de l’enfant. L’amorce et la mise en place d’un tel processus de justice transitionnelle permettra à la Guinée de lire toutes les pages de son passé, de réparer les torts, de briser le cycle de violences intergénérationnelles, de parvenir à une véritable réconciliation nationale, gage du vivre-ensemble et garant du développement.
Conakry, le 17 février 2023
-Juris Guineensis No 44.
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph. D
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour