Paul Moussa Diawara et Inza Bayo étaient de nouveau devant la Cour de répression des infractions économiques et financières ce 7 mars. L’ex Directeur général de l’Office guinéen de publicité (OGP) et son DAF sont jugés en appel pour « Détournement de deniers publics et complicité ». Moussa Dioumessy, un des témoins, a enfoncé les deux prévenus.

L’audience de ce mardi devait être consacrée aux dépositions de Mohamed Diaby et d’Ousmane Savané, respectivement commissaire aux comptes et son suppléant, recrutés au compte de l’OGP par l’ancien directeur général, Paul Moussa Diawara. Elle devait porter aussi sur la déposition de Moussa Dioumessy, directeur de la société Eventus-Guinée. Dès l’ouverture des débats, Paul Moussa Diawara fait savoir à la Cour qu’il n’a pu retrouver les traces du commissaire aux comptes et de son suppléant. C’est donc Moussa Dioumessy, représentant de la société Eventus-Guinée qui est appelé à la barre. La défense s’oppose à sa comparution, arguant qu’il n’était plus possible pour le témoin d’intervenir dans la procédure : « C’est une violation de la procédure d’appel ». L’avocat insiste sur le fait que toute comparution du témoin constitue une demande nouvelle, donc « contraire à la loi ». Le ministère public n’est pas de cet avis, d’autant que la Cour avait déjà tranché en faveur d’une comparution du témoin : « On ne peut pas s’opposer à une mesure d’administration de justice. Sa comparution ne constitue nullement une nouvelle demande ». Le juge passe outre la demande de la défense et appelle Moussa Dioumessy à faire sa déposition.

La société Eventus-Guinée dont Moussa Dioumessy est le représentant, est engagée au compte de l’OGP bien avant l’arrivée de Paul Moussa Diawara. Quand ce dernier est porté à la tête de l’Office, Eventus-Guinée bénéfice d’un avenant pour continuer « l’assistance technique ». Au début, tout se passait normalement. Paul Moussa Diawara, en tant que DG de l’OGP, aurait même garanti à Moussa Dioumessy qu’il percevrait 40% sur chaque montant recouvré chez les sociétés de téléphonie. Eventus-Guinée parvient à faire payer des dizaines de milliards de francs guinéens aux sociétés de téléphonie, contre le gré de la direction de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT), selon le témoin : « En 2016, Orange-Guinée a payé plus de 11 milliards, MTN a versé plus de 6 milliards, Cellcom a payé près d’un milliard 500 millions. Je ne peux pas comprendre que Paul dise que c’est son huissier et lui qui ont fait le travail ».

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est le fait pour lui d’entendre que sa société aurait perçu 4 milliards de francs guinéens : « Je n’ai pas perçu cet argent. C’est pourquoi, j’ai voulu démentir Paul Moussa Diawara. Et si possibilité il y en a, de chercher à récupérer l’argent que l’OGP me doit ». « On ne peut vous entendre qu’à titre de simples renseignements. Pour ce qui est de votre argent, vous pouvez initier une autre procédure », clarifie le juge.

Moussa Dioumessy admet cependant avoir reçu 135 millions de francs guinéens et 2 000 dollars américains : « Ils disent ici que je suis allé prendre de l’argent avec Intercel à leur insu. Cette société m’a remis 10 000 dollars, j’avais besoin d’aller me soigner à l’étranger. Je suis allé devant l’immeuble qui abrite l’OGP rendre compte à Inza Bayo dans son véhicule. Ils ne m’ont donné que 2 000 dollars ». Et Dioumessy de rappeler que Paul Moussa Diawara et son DAF ont commencé à le dribbler dès que l’argent a commencé à tomber ».

Les avocats de la défense, convaincus que les rapports qui ont servi de base à la condamnation de leurs clients en première instance sont faits seulement à charge, demandent la comparution des inspecteurs d’État qui ont travaillé sur ce dossier : « Ils n’ont respecté aucun principe contradictoire. Nos clients ne savent même pas comment ce rapport a été fait, parce qu’ils n’ont pas été entendus ». Les avocats de l’Agent judiciaire de l’État et le ministère public leur conseillent de solliciter une contre-expertise, au lieu de s’attaquer au travail des inspecteurs. Le juge ordonne finalement la comparution des inspecteurs Kahin Magassouba et Tézéri Zoumanigui, mais aussi du commissaire aux comptes, Mohamed Diaby et son suppléant Ousmane Savané. Il renvoie les débats au 14 mars.

Yacine Diallo