L’opération s’est voulue humanitaire, nationaliste, peut-être populiste et politique. Pour la première fois de son Histoire, la Guinée a saisi la balle au bond pour voler au secours de ses ressortissants en détresse. Colonel Mamadi Doum-bouillant a vibré à temps pour accueillir la première fournée de 49 concitoyens fraichement extirpés de l’enfer migratoire tunisien. Sans démagogie aucune, force est de reconnaître que depuis son accession à l’indépendance, le pays aura été avare de tels exemples. Peut-être que le nombre 49 y est pour quelque chose.
L’on a vu Alassane Dramane Ouattara organiser en grande pompe le retour à Abidjan de ses 49 compatriotes retenus à Bamako contre leur gré. Mais, ceux-là accomplissaient une mission d’État que le Mali a pris pour un complot. Les 49 Guinéens constituent la première fournée de comploteurs subsahariens chargés de déstabiliser la Tunisie arabe par voie de « noircisation. » Apparemment, les comploteurs, tant ivoiriens que subsahariens, ignorent comme M. Jourdain, qu’ils déstabilisaient Bamako et Tunis. Et la similitude ne s’arrête pas là.
Les vicissitudes de l’Histoire ont saisi l’occasion pour ouvrir une compétition, qui ne dit pas son nom, entre les chefs d’État de l’Afrique sub-saharienne. Les populations africaines ne comprendraient pas toutes que leurs gouvernants continuent d’abandonner leurs enfants dans la misère nationale et la cruauté de nos frères tunisiens. Il faut absolument aller les extraire de là. Voilà que fusent les problèmes. Il est vrai, les patrons gondwanais se font entendre dans toutes les capitales de l’Afrique subsaharienne. Qu’ils lèvent la main, ceux qui peuvent, ou veulent appeler le Palais de Carthage, voire s’y rendre !
Pour le cas de la Guinée, la réponse du CNRD relève du miracle. Le pays vient d’intégrer le cercle de l’humanisme au premier degré. C’est maintenant qu’il est apte à se poser pareilles questions, plus à tenter d’y répondre. Elle n’a pas de compagnie aérienne, mais elle a des idées, surtout « un avion à disposition. » Qu’elle utilise à sa guise pour le moment. C’est peut-être pour cela qu’elle a battu le record de rapidité et de promptitude dans une compétition sous-régionale sans arbitre, pour sauver ses citoyens. Nos puissants voisins ne dorment certainement pas ; ils savent que leurs concitoyens comptent sur eux pour les tirer de la barbarie de nos quasi-frères arabes de Tunisie.
En tout état de cause, personne ne doit crier fort. A commencer par nous Guinéens qui allons tout le temps à Tunis pour soigner nos céphalées ou bourrer nos panses. Quand Mory- Sans- Dent Kouyaté aura fini d’étreindre le Colonel, il aura tout le loisir de lui rappeler que la première fournée qu’il vient de tirer de la fournaise tunisienne n’y est pas en villégiature, mais en aventure. Personne ne cherche le bonheur chez autrui s’il l’a à portée de main. Si les Tunisiens se sont montrés experts en chasse-nègres, c’est parce qu’ils se trouvent en terrain conquis. A l’envers. Qui ne les a pas vu fuir les Libyens, tête baissée, mal maquillés « en Arabes authentiques » dans les bas-quartiers de Tripoli, Sebha ou Bengazi ? Après tout, on se connait ! Oui, la décennie 1960-1970 est loin derrière nous !
Diallo Souleymane