Première dame de la République est un titre purement protocolaire. Il n’est inscrit dans aucune constitution même si aux Etats-Unis par exemple, c’est le gouvernement fédéral qui finance la garde-robe de la douce-moitié du locataire de la Maison-Blanche. Aucune fonction particulière ne lui est dévolue ou bien si, celle que l’on impose à la plupart des dames, les premières comme les dernières : « Sois belle et tais-toi ! ».
En plus d’inaugurer les chrysanthèmes, ces belles créatures ne manquent cependant pas d’imagination pour remplir leur agenda : s’occuper des orphelins, des myopathes et des albinos ; présider les concours de beauté et les défilés de mode. Si l’une d’entre elles arrive à mourir, l’Etat doit juste pondre un communiqué de décès et laisser la famille éplorée enterrer sa chère disparue dans la dignité. Ce sont des personnes privées et en aucun cas, ce qui leur arrive ne doit faire l’objet d’un évènement national.
Evidemment, ce beau principe-là, c’est pour les pays normaux ! En Guinée, où tout se fait à tort et à travers, où l’on confond allègrement torchons et serviettes, cabinets ministériels et cabinets tout court, la ligne qui sépare le public et le privé est purement imaginaire. Ici, le chef est le chef de tout, son père, le père de tous ; sa femme, la seule de la nation. Il y a quelques années, j’ai failli mourir de colère en voyant tout le barda fait autour du décès de la fille du Premier ministre d’alors, Kassory Fofana : embouteillages monstres, radios, télévisions, hélicoptères, tous les moyens de d’Etat mobilisés pour l’enterrement de la princesse.
La femme d’Alpha Condé vient de mourir. Cette fois-ci, c’est plutôt la chicane, la mesquinerie, les querelles de famille et les coups de pattes politiques autour du cadavre de la défunte. Notre Etat, c’est vrai, a des problèmes avec les cadavres. Il a du mal à les compter (ses placards en regorgent tellement !). Il rechigne à les enterrer (il y a si longtemps qu’il a jeté aux orties les notions de la morale et les valeurs de l’humanisme !) On les jetait du haut des falaises ou on les empilait dans les fosses communes, du temps de Sékou Touré. On les sortait nuitamment des morgues pour les soustraire des statistiques, du temps de Dadis Camara. On tirait sur les ambulances, on jetait des grenades lacrymogènes dans les cimetières du temps d’Alpha Condé. On verra bientôt ce que nous cache Mamadi Doumbouya.
« Le mort est plus âgée que le vivant », dit le proverbe africain. Cela veut dire que nous lui devons du respect. Nous devons l’enterrer dignement. Chaque mort a droit à une tombe. Au temps de nos royaumes, après la bataille, toutes les victimes, alliées comme ennemies étaient enterrées de la même manière. Enterrer ses morts est une preuve de civilisation, c’est le premier geste qui distingue l’homme de la bête. Mais ce n’est pas tout : le mort n’est pas une respectable dépouille, c’est aussi un puissant facteur de régulation sociale. C’est autour du cercueil qu’on regrette, qu’on se repent, qu’on se réconcilie.
Ça fait mal au cœur de voir Alpha Condé et Mamadi Doumbouya profiter d’une occasion aussi sinistre pour régler leurs comptes ! Cela fait mal au cœur de voir Alpha Condé et sa belle-fille se bigorner sur les réseaux sociaux ! Les querelles de famille se règlent à la maison, pas au cimetière, pas sur la place publique. Tout cela ne me rend pas fier d’être Guinéen !
Question à Alpha Condé : un homme incapable de garder un secret de famille, peut-il garder un secret d’Etat ?
Je plains cette pauvre femme que la méchanceté du hasard a plongée dans le purin de la vie politique guinéenne !
Un peu de tenue, messieurs les dirigeants guinéens ! Respectez la vie, respectez les morts, respectez vos familles, respectez le pays !
Tierno Monénembo