La trêve entre le pouvoir central et la Haute-Guinée en général et Kankan en particulier aura été de courte durée. Depuis septembre 2021, la grande métropole de l’Est de la Guinée ne file plus le même coton avec le palais Mohammed V. La première reprochant au second d’avoir renversé et humilié son idole.
Que ce soient les récentes manifestions contre le délestage d’électricité, à la polémique sur les obsèques de l’ancienne Première Dame en passant par l’atypique affaire du féticheur qui aurait prédit la fin de règne du CNRD, la région est confrontée à une agitation qu’elle a connue par le passé. Véritablement, Kankan renoue avec une situation bien connue dans cette partie de la Guinée. Un bras de fer avec le pouvoir central.
Les raisons de cette hostilité avec le régime de Conakry sont toujours les mêmes. Hier comme aujourd’hui, c’est le soutien de la région au leader du RPG. Avec l’accession de ce dernier au pouvoir en 2010, la Haute Guinée, qui a été l’épicentre de la contestation contre le régime du successeur direct de Sékou Touré, était devenue un havre de paix. Durant 11 ans, Kankan et le reste de la région sont restées calmes. Labé ayant repris le flambeau du fief du principal opposant au régime.
Désormais, nous assistons à une situation plutôt atypique. Parce que le président et son principal opposant sont tous originaires de la même région. Mettant la Haute Guinée à rude épreuve. Avec d’un côté les inconditionnels d’Alpha Condé pour lesquels il est hors de question de soutenir son tombeur, Mamadi Doumbouya. Peu importe son origine et ses intentions. Dès lors qu’il a humilié le grand Fama, il est perçu comme un traître.
De l’autre côté, il y a une partie des citoyens qui estime que ce qui fait est fait. Et qu’il faudrait être réaliste et accepter le fait accompli et se rallier finalement derrière le nouvel homme fort. Surtout que celui-ci est, comme son prédécesseur, fils du terroir. Un véritable dilemme cornélien. Mamadi Doumbouya sait que même s’il descend le soleil pour le poser entre les mains de certains fils de la région, ceux-ci ne pardonneront jamais l’affront et le camouflet faits au Fama, Alpha Condé.
Du coup, l’officier est en quête d’autres soutiens et reconnaissances. C’est dans cet ultime objectif qu’il faudrait mettre son déplacement à Labé à l’occasion de la fête marquant la fin du Ramadan. Il s’agirait pour lui de faire un couple : montrer à Kankan que si eux ne l’aiment pas, d’autres l’aiment. Et dire à ces autres qu’il est le Président de toute la Guinée. L’autre message qu’il voudrait peut-être faire passer à Labé et au Fouta est qu’il faut éviter tout amalgame entre le principal homme politique originaire du Fouta et cette région. Et pour Labé, le message semble être bien reçu. D’autant plus que cinq préfectures de la région sont concernées par un projet révolutionnaire du CNRD. Celui de bitumer les communes urbaines de Mali, Lélouma, Koubia et Tougué. Si le nouveau pouvoir réalise ce projet, il aura incontestablement marqué les esprits dans ces quatre localités dont les conditions de vie des populations sont celles du Moyen Âge.
En attendant, le colonel-président est en train de réfléchir sur les voies et moyens de se réconcilier avec Kankan et la Haute Guinée. D’ici-là, il médite sur l’adage selon lequel « qui aime bien châtie bien ».
Habib Yembering Diallo