La restitution du matériel au groupe de presse AfricVision, la levée de restriction d’accès à certains sites internet ou encore la levée de la suspension du Directeur Général de la RTG constituent autant de mesures qui sont perçues comme une victoire des médias contre les velléités du gouvernement de museler la presse. Certaines corporations applaudissent et estiment que la presse guinéenne a donné un bel exemple et une véritable leçon aux autres corporations.
Pour leur part, les journalistes ne veulent pas dormir sur leurs lauriers. Ils savent que le chemin est encore parsemé d’embûches. Parce que la junte a, en son sein, des personnes qui ne jurent que par la fermeture de certains médias. Notamment des radios privées dont les échos parviennent à toutes les couches sociales.
La presse doit-elle s’enorgueillir pour avoir obligé les pouvoirs publics à lâcher du lest ? Assurément non. Il faut plutôt continuer le combat qui est loin d’être gagné. Désormais, les adeptes de la pensée unique comptent jouer sur l’argument économique pour fermer certains médias. Ceux qui n’ont pas payé la redevance à l’Etat sont dans la ligne de mire. On va leur demander bientôt le chèque ou la clé.
Pour les durs du régime, le débiteur n’a aucun droit de critiquer son créancier. Les fameux communicants de la junte le font savoir sur les réseaux sociaux. Ils réclament la redevance comme on réclamerait la dette due à un père. Ce qui se profile à l’horizon, c’est que les mauvais payeurs auront le choix entre payer ou se transformer en griot du CNRD.
Or, cette histoire de redevance est un prétexte. Cette redevance est insignifiante. Surtout comparée à la dette intérieure de la Guinée. Combien d’entreprises guinéennes ont mis la clé sous le paillasson à cause du refus de l’Etat guinéen de payer leurs prestations ? Un Etat qui doit près de 3 000 milliards de dette intérieure doit-il brandir la menace de fermer une entreprise qui lui doit des dizaines de millions ?
Plus que jamais, les médias doivent s’unir pour survivre. Devant une junte militaire qui veut remettre en cause les acquis, il ne doit pas y avoir d’un côté les médias de service public et de l’autre, les médias privés. Pour une fois, les premiers ont emboité le pas aux seconds pour observer la journée sans presse. Mais c’était moins pour soutenir la presse privée que pour exiger le rétablissement du Directeur général de la Radiodiffusion Télévision Guinéenne (RTG) dans ses fonctions.
Si le prix à payer pour résister contre les mesures liberticides est le renoncement à la subvention annuelle, les médias doivent renoncer à ce droit. La presse ne peut pas être libre si elle continue à tendre la main à l’Etat. Tout comme si elle accompagne cet Etat dans l’illégalité. Comme la mise en place d’une synergie des radios privées à l’occasion du référendum sur la nouvelle constitution en 2020.
La revendication de la presse ne doit pas être corporatiste. Elle doit défendre les principes et les valeurs. C’est en cela qu’elle peut se faire respecter.
Habib Yembering Diallo