Une partie de la commune de Ratoma était en ébullition le 10 mai. La manif à l’appel des Forces vives de Guinée a viré à la guérilla urbaine dans plusieurs quartiers le long de la route Leprince. Les organisateurs dénombrent au moins 7 morts. Mutisme total côté gouvernement.
Après l’échec des religieux dans les négociations entre le goubernement et les Forces vives de Guinée, ces dernières ont décidé de passer à la vitesse supérieure. Ils ont appelé le populo à des marches pacifiques les 10 et 11 mai, pour continuer à accentuer la pression sur la junte pour que celle-ci lâche du lest. Le 10 mai, plusieurs quartiers de la banlieue de Cona-cris étaient le théâtre d’affrontements violents entre jeunes manifestants et farces de l’ordre. Des cas de morts signalés à Wanindara, Cosa, Bomboly et Hamdallaye. Les organisateurs de la manif font état de 7 morts par balles, d’une trentaine de blessés dont 13 graves et d’une cinquantaine d’arrestations.
Parmi ces cas de morts, il y a celui de Boubacar Sadjo Diallo, 18 ans, menuisier de profession. Il a été fauché à Wanindara dans l’après-midi du 10 mai. Dans sa famille, c’est émoi et tristesse : « Ils l’ont tué devant la porte de ma concession vers 18h. Il n’a jamais été un manifestant. Moi, j’étais à la mosquée, je suis revenu trouver qu’il est déjà mort. Nous ne connaissons pas son bourreau. Il y avait tous les corps dans le quartier hier», explique Dian Bhoye Kéïta, un de ses oncles. Boubarcar Sadjo Diallo a été touché à l’abdomen : « Ses intestins étaient dehors…Nous ne pardonnerons jamais à celui qui lui a ôté la vie. Il était chez moi, pas dans une manifestation, pourquoi le tuer ?», s’interroge-t-il. A la place d’une plainte contre le bourreau de son enfant, Dian Bhoye Kéïta demande plutôt à ce qu’on lui rende le corps : « Ils nous disent d’envoyer le corps à Ignace Deen. Mais tout ce que moi je souhaite, c’est de le récupérer et de l’enterrer dignement ». Boubacar Sadjo Diallo était originaire de Kébali, dans la préfecture de Dalaba.
Pendant la même journée du 10 mai, Ousmane Bah, mécanicien de 21 ans, s’est lui aussi fait tuer à Cosa. Là aussi, la famille réfute toute présence du défunt dans un théâtre de manif. Mariam Bah, mère du défunt explique : « Il était chez son oncle, il a appris qu’un de ses amis a été blessé par balle. Les gens couraient pour sauver ce dernier. Ousmane aussi est sorti, il a reçu une balle à la poitrine. Il est mort sur place». Abdoulaye Bah, frère de la victime, accuse des agents du GIR : « Nous avons vu trois pick-up du GIR passer. Ils ont ouvert le feu, un jeune a été touché au pied. Moi j’ai pris ma moto, je l’ai envoyé dans une clinique, il a été soigné et évacué à Donka. Dès mon retour, j’ai encore entendu des coups de feu, je vois des gens courir. J’entends un d’entre eux dire ‘’ils ont tiré sur Hip man’’. C’est le sobriquet de mon frère. Je suis allé trouver qu’il est déjà mort». Le corps d’Ousmane Bah se trouve actuellement à la morgue (délabrée) du CHU Ignace Deen. Abdoulaye Bah se réserve le droit de porter plainte pour retrouver le bourreau de son frère : « Je vais me consulter avec les autres membres de la famille, pour voir la suite à donner».
Au moment où nous écrivions ces lignes, le goubernement n’avait pas encore bronché mot sur ces cas de mort.
Yacine Diallo