En tant que diaspo, tu es fier d’être guinéen, croyant que ton pays est connu, mais hélas tes interlocuteurs te demandent bien souvent de quelle Guinée tu viens. Guinée Conakry, Guinée Équatoriale, Guinée Bissau, Nouvelle-Guinée ? Tu trouves ennuyeux n’est-ce-pas cette demande de précision. Mais tu restes courtois et fais le prof de géo, expliquant à l’ignare que la Guinée à toi est francophone, l’autre lusophone, l’autre hispanophone, l’autre… Tu rappelles que lorsqu’on entend Guinée (tout court) ça désigne ton pays, rien d’autre. Qu’importe le quiproquo, tu refuses de faire le distinguo. Et tu pestes en silence : merde l’explorateur qui nous a désignés ainsi dans sa carte de navigation ! Merde les colons qui ont baptisé du même nom d’autres pays ! Merde l’explorateur espagnol qui compliqua encore la tâche en donnant un nom similaire à la grande île d’Océanie ! Décidément, cette belle exotique femme (Guinê) rencontrée au bord de la plage, lors du premier débarquement sur les côtes atlantiques a vraiment tourné la tête aux colons.
Tu es frustré ou jaloux quand tu vois dans les médias internationaux ou dans la vie de tous les jours les gens cités des pays d’Afrique de l’Ouest, Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire…sans mentionner le tien, aux oubliettes, hélas, au grand désarroi, ton pays s’avère le vilain petit canard de la francophonie qui a dit non.
A la décolonisation, contrairement au Soudan français, au Dahomey, à la Haute-Volta, au Gold Coast, nos autocrates n’ont pas eu la folie de nous rebaptiser. À l’instar du Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga et son Zaïre, et Kabila père et sa République Démocratique du Congo. Révolu ce temps où Sékou Tyran nous appelait pompeusement République Populaire et Révolutionnaire de Guinée. L’anti-colonialisme d’AST s’acharnait ailleurs que sur la toponymie héritée du colon. Il n’avait qu’à s’inspirer de ses pairs Modibo Keita ou Kwamé Nkrumah pour nous éviter ce brimbalant branding qui fait tanguer nos armoiries. Même Dadis volubile et passionné de logomachie n’a pas eu la lubie de suivre son inimitable modèle Thomas Sankara et son Burkina Faso.
C’est là où le branding trouve tout son sens. A priori, ça nous aide à nous distinguer un tant soit peu de ces autres Guinée. Nous sommes la Guinée (tout court) avec pour capitale, Conakry “fille du vent et de l’Atlantique”, “escale essentielle sur les routes atlantiques” , “perle” de l’Afrique de l’ouest” . Mais ça, c’est jadis, quand Konakry (sic) était une “ville au carré”, un “grand damier de verdure” doté de “climatisation naturelle”.
Je ne dis pas que Ndimba est une idole, gô, je ne suis pas non plus l’oracle, le prêtre ou le faux prophète autoproclamé qui interprète la volonté de Ndimba. Eh oui, je vois venir les littéralistes et autres polémistes… Je veux juste me retirer dans le tabernacle au sommet de Simandou pour mener un dialogue libre et un remue-méninges avec dame Ndimba, de ce qu’on peut tirer de notre histoire, politique, culture, société, etc. pour constituer notre image de marque, et la vendre à l’international, à l’hôte, au touriste, à tout interlocuteur féru de culture générale. Voyons voir si le remue-méninges ne vire pas au remue-ménage.
Ndimba, tu penses quoi de concocter une recette made in Guinea ?
Bonne idée pour notre image de marque, allez chercher dans les restos des hôtels du PRAC, il doit y avoir un chef cuistot étoilé et mal luné qui pourrait nous créer une recette à base de konkoé. On appellera ce plat Fory Konkoé, dis-donc, notre feu Fory Coco raffolait bien du poisson fumé.
Ndimba, ne peut-on pas bâtir notre image autour de la date historique de 58 et du NON au Général de Gaulle ?
Australopithèque ! Adii sakkitii ! Dis-moi, ça sert à quoi d’être pionnier et prendre au final la queue du peloton en matière de développement ? Négritude et négrologues, panafricanisme et panafricons, rappelez-vous : “Le tigre ne proclame pas sa tigritude, il saute sur sa proie et la dévore”. Voilà ce que nos voisins francophones ont bien appliqué au référendum de 58.
Néandertal ! Dis-moi : dans quel pays tu as vu quelqu’un acheter du NON ? Ça ne marche pas. Le branding, c’est pour attirer, accueillir, acquiescer et dire oui (un oui soviétique) aux investissements, à l’opulence.
Je te rejoins, Ndimba, l’opulence n’est pas incompatible avec la liberté et l’indépendance. Sékou Tyran était trop pressé, exalté comme tout bon syndicaliste, il sait négocier une augmentation de salaire mais pas si sûr en ce qui concerne l’obtention d’une bonne indépendance… Ndimba, on peut créer un musée du panafricanisme, on a combattu le colonialisme, aidé beaucoup de pays à obtenir leur indépendance. Ce musée peut d’ailleurs s’installer dans la maison du coprésident Nkrumah ou bien à Dalaba dans la maison de Myriam Makeba.
Pata-pata ! Arrête de dire des blasphèmes sur notre héros Papa Sékou Touré. Hérésie d’anti-Guinéen, si tu n’es pas content de ce NON, va te coucher et faire l’uchronie de notre histoire.
Revenons à nos montagnes de Dalaba, station climatique prisée jadis des colons et vacanciers de l’AOF, qui nous vaut le surnom de la Suisse de l’Afrique.
D’accord, dis à tes parents de la montagne-là, nous allons construire un hôtel cinq étoiles et des banques là-bas pour que ça soit plus suisse que les milles collines. Note aussi qu’on a la beauté et l’intelligence dans ce bled, je dis bien tout le monde même Toto, il ne nous manque plus qu’à prendre le pouvoir sur notre destin national. Y a qu’à voir les inventions de nos jeunes, la machine de recyclage de plastique en carburant, la voiture locale, j’en passe.
Parlons de littérature, tu ne m’as rien proposé au sujet de la Guinée précoloniale, nos royaumes, l’Empire Mandingue, le Fouta Théocratique. Où laisses-tu Kankou Moussa ? Le plus riche d’Afrique de tous les temps ; ah ! je te vois venir citer Aliko Dangote, hein ; où laisses-tu Soundiata Keita ? Le grand guerrier !
Pardon Ndimba, c’est vrai, comme un morceau de kola, on peut revendiquer la copaternité de l’Histoire du Grand Mandingue et la Charte de Kouroukan Fouga, nous n’avons pas attendu les oreilles rouges pour disposer de règles de droit. L’alternance, on pratiquait depuis. Y’ a qu’à apprendre l’histoire des Alfaya et Soriya. Ndimba, nous avons des écrivains reconnus, des lauréats de prix littéraires, on a Camara… Tierno…
Poro! c’est tous des diaspourris jusque dans les os. Ils ont commis des crimes de lèse-majesté, vilipendé Papa Sékou Touré, ils lui ont collé de vilains sobriquets : Sâ Matrak, N’dourou Wembidô, Baré Koulé! Il leur faut demander pardon, hein, sinon, on va les bannir de notre République et du Panthéon national. Mais chose… L’Enfant noir ça passe, ça parle à tout lecteur, je pense même à une fondation dans le domaine de l’enfance avec ce titre magique, en attendant, il faut dessiner une belle fresque murale reproduisant la couverture du roman à l’aéroport AST. Hein, ça se marie bien avec Fodé et Yaguine ? Miskine, nos deux petits anges migrateurs. Marque là-bas, Guinée, dans le Big 5 des pourvoyeurs de migrants et réfugiés en Occident. Y a foy ici. (La fuite au prochain numéro)
Bano Mo Alpha