Mon colonel,
Je ne sais pas si vous me connaissez. Moi je vous ai découvert, comme beaucoup de vos compatriotes, à l’occasion de la célébration du 60ème anniversaire de notre indépendance. Et je fais partie de ces Guinéens qui souhaitent que vous réussissiez dans votre mission historique et patriotique.
Mon colonel,
J’espère que le comité de lecture et de monitoring que vous avez mis probablement en place, comme toutes les présidences de la République, vous fera un fidèle compte rendu du contenu de cette lettre. Même si ce contenu peut vous heurter. Comme vous le savez bien, la vérité est amère au départ, mais à la fin, elle a une bonne saveur.
Mon colonel,
Il est superflu de revenir sur le contexte dans lequel vous avez pris le pouvoir en septembre 2021. Avec un président totalement coupé des réalités du pays et un Premier ministre qui jouait aux oiseaux de mauvais augure, en prédisant les pires difficultés à ses compatriotes, ces derniers ne savaient plus à quel saint se vouer.
C’est en ce moment précis que vous avez décidé de prendre vos responsabilités de soldat, en mettant fin au règne de M. Alpha Condé. Dans votre discours annonçant la prise du pouvoir, vous avez déclaré en substance que personne ne devait mourir dans ce pays pour des raisons politiques.
Ce discours à la fois historique et héroïque sera suivi par une série de décisions tout aussi courageuses que patriotiques. Comme la libération de prisonniers politiques et d’opinion, dont l’actuel porte-parole du gouvernement. D’autres actes symboliques suivront. Entre autres, votre recueillement sur les tombes des victimes des manifestations au cimetière de Bambéto. La réaction de vos compatriotes aura été à la dimension de leur désespoir.
Mon colonel,
Vingt mois après ce discours, force est de reconnaître qu’il y a un décalage entre les bonnes intentions du départ et la réalité d’aujourd’hui. Or, comme dit l’adage, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Peu importe le nombre de morts, puisqu’il y a une guerre de chiffres entre la police et les forces vives. Comme vous l’aviez dit, personne ne devait mourir pour des raisons politiques. La polémique autour du nombre de victimes fait partie des pratiques du système. Celui-là même que vous devez combattre. Parce que c’est lui qui a fait échouer vos prédécesseurs. C’est encore et toujours lui qui veut vous pousser à l’irréparable.
Mon colonel,
Puisqu’on reproche souvent aux journalistes de critiquer sans proposer de solutions, je vais terminer cette lettre par vous faire un certain nombre de propositions.
- Faites le tri dans votre entourage. Pour faire la différence entre les thuriféraires et les sincères. Parmi les premiers, il y a vos pourfendeurs de demain en cas d’échec. Il y a aussi et surtout ceux qui voudront prendre votre place.
- Débarrassez-vous de l’idée que vous avez des ennemis parmi les acteurs politiques et ceux de la société civile.
- Mettez en confiance Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Aboubacar Soumah, Sékou Koundouno et tous les autres exilés qui sont hantés par le retour au pays afin qu’ils rentrent sans peur pour participer au processus de la transition.
- Veillez à ce que les cadres du RPG qui sont détenus puissent bénéficier d’un procès juste et équitable dans les meilleurs délais.
- Mettez-vous au-dessus de la mêlée en ayant ni ami ni ennemi parmi les acteurs politiques.
- Enfin, adressez-vous au peuple de Guinée à travers un discours solennel pour annoncer les mesures ci-dessus afin que les Guinéens renouent avec un nouvel espoir. Comme celui du 5 septembre 2021.
A mon avis, si vous mettez en application ces recommandions, vous allez faire l’économie de la réquisition de l’armée et ses corolaires de mauvaise image pour notre pays.
Espérant que ces propositions vous parviendront et qu’elles retiendront votre attention, je vous prie, mon colonel, de les considérer comme celles d’un citoyen soucieux du devenir et de l’avenir de son pays et par ricochet de votre réussite.
Habib Yembering Diallo