Le procès d’Ibrahima Baldé s’est ouvert le 19 juin au tribunal de première instance de Dixinn. Le gendarme, inculpé pour « meurtre, atteinte à la vie, coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner », plaide non coupable.

Il avait été filmé le 20 octobre 2022, jour de manifestation du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), en train de faire des tirs de sommation en direction d’un groupe de manifestants à Bambéto. La vidéo d’Ibrahima Baldé, gendarme en service à l’Escadron mobile de Sanoyah est devenue très vite virale sur la toile. Il est identifié quelques jours plus tard, puis poursuivi par le parquet de Dixinn sur ordre du ministre de la Justice. Les parents des jeunes tués le jour de cette manifestation se sont aussi constitués parties civiles. Devant le juge ce lundi 19 juin, il a réfuté toutes les charges articulées contre sa personne.

Ibrahima Baldé reconnait sans détours s’être rendu à Bambéto le 20 octobre 2022, avec un pistolet PA-TT30 en tant que garde de corps de son commandant d’unité, un certain lieutenant Aboubacar Keïta : « On nous a dit de protéger les travailleurs au rond-point de Bambéto. On a repoussé les manifestants jusqu’à Bambéto-Magasin. On a monté un tampon. Vers 13h, un homme est apparu avec une arme de calibre 12. Un de nos collègues a dit ‘’arme’’». Leur commandant leur aurait dit de se poster « le temps pour lui d’informer la hiérarchie. Entre temps, le gars a tiré en notre direction, je me suis senti dans l’obligation de tirer pour notre sécurité. J’ai ouvert le feu, mais en l’air. Je n’ai touché personne, le gars a lâché son arme, a fui. Nous sommes restés là jusqu’à 18h, nous n’avons même pas entendu parler d’un blessé».

Le prévenu précise qu’il a ouvert le feu sans l’autorisation de son commandant d’unité, « mais il savait que j’étais porteur d’arme. J’ai tiré pour sauver nos vies. Quand ma vidéo est devenue virale sur Facebook, il m’a dit de rester tranquille parce que je n’ai tiré sur personne. Je ne suis coupable de rien, c’est Facebook qui m’a mis dans ce problème».

Discorde sur la comparution du commandant d’unité

Le 20 octobre 2022, l’accusé avait pour chef d’unité, le lieutenant Aboubacar Keïta. Ibrahima Baldé dit à qui veut l’entendre que son chef savait qu’il détenait une arme. Il affirme aussi que son chef peut témoigner qu’il n’a tiré sur personne. L’avocat de la partie civile demande la comparution du commandant d’unité en tant que témoin. Le ministère public s’oppose : « Cela nous paraît sans importance ». Me Thierno Souleymane Baldé se fâche : « On nous dit qu’il a tué des personnes dans des lieux qui me paraissent un peu loin de là où il se trouvait. Nous voulons entendre son chef, parce que nous ne voulons pas qu’on condamne un innocent. Nous ne voulons pas nous associer à une parodie de justice ».

Selon l’avocat de la défense, les jeunes dont il est accusé d’avoir tué se trouvaient respectivement à 307 mètres, à 1,16 km et à 3 kilomètres. La preuve, selon l’accusé, qu’il n’a tué personne : « Quand on tire en l’air avec un TT30, cela ne dépasse jamais 50 mètres ». La défense sollicite une liberté conditionnelle. Le juge Amadou Sy la rejette et renvoie l’affaire au 3 juillet prochain, pour la comparution des parties civiles.

Yacine Diallo