L’ancien président guinéen, Alpha Condé, vient d’apprendre à ses dépens que les Etats n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts. En déroulant le tapis rouge à son tombeur, son hôte turc fait ce que l’adage guinéen dit : « Offrir une cachette sûre au voleur et accompagner l’enquêteur ». Il n’y a que les hommes politiques qui sont capables d’un tel acte.
Recep Tayyip Erdogan n’est pas le seul à jouer double jeu. Toutes les puissances le font. Non seulement elles abritent les opposants aux régimes autocratiques, mais aussi leurs dirigeants reçoivent ceux qui ont contraints les opposants à l’exil. Pour le cas de Mamadi Doumbouya et son prédécesseur, certains analystes simplistes diront qu’ils sont confortés par l’idée de coup d’Etat « négocié » le 5 septembre 2021. En ce qui nous concerne, et jusqu’à preuve du contraire, nous soutenons que c’est la mort dans l’âme qu’Alpha Condé a perdu le pouvoir. Mais ce n’est pas cette question qui nous intéresse ici. C’est plutôt l’attitude de pays émergeants : Chine, Turquie et dans une moindre mesure l’Inde et tous les autres, y compris la Russie. Ces pays sont en train d’aller à l’encontre de la volonté des peuples africains. Même si, à Bamako et à Ouagadougou, les citoyens font semblants d’être les principaux demandeurs du remplacement du cousin gaulois par l’ancien camarade chinois ou soviétique.
Lorsqu’un officier putschiste est mis en quarantaine par les Etats membres de la CEDEAO et qu’il est reçu avec tous les honneurs à Ankara, Moscou ou Pékin, il va de soi qu’il ne cédera jamais aux injonctions de ses pairs de la sous-région. C’est en cela que le retour à l’ordre constitutionnel est incertain dans les trois pays où les militaires se sont emparés du pouvoir. D’autant plus que, contre toute attente, des pays qui étaient jusqu’ici une référence en matière de démocratie, sont en train de basculer dans la dictature.
De fil en aiguille, Mamadi Doumbouya, reçu par Erdogan, assoit de plus en plus son pouvoir. Il n’en a cure des menaces de la CEDEAO qui ne peut pas lui couper les vivres. Au contraire. Son pays, la Guinée, pourrait même venir au secours de deux autres qui sont sur le banc de la communauté des Etats de la sous-région. On le sait, sans la bénédiction de la Guinée, le Mali se serait déjà plié. Car défavorisé par dame nature, Bamako ne peut pas résister au blocus de ses voisins.
Voilà donc la situation, la Guinée épaule le Mali. Et si les voisins rechignent, elle est secourue par les puissances notamment la Chine et la Turquie. Car la Russie n’a pas encore étendu son influence à la Guinée. A cause probablement, voire sûrement, de l’histoire personnelle de Mamadi Doumbouya, pure produit de la France à laquelle il doit tout : formation et femme.
En attendant de savoir si cette victoire diplomatique aura des conséquences directes sur la transition en Guinée, l’ancien président de ce pays n’a que les yeux pour pleurer. Alpha Condé vient d’être poignardé par son vieil ami, Recep Tayyip Erdogan.
Habib Yembering Diallo