Jusque-là, ils étaient seuls dans leur combat. Les enseignants contractuels en quête de paiement de leurs primes viennent de bénéficier d’un soutien du Forum des forces sociales de Guinée (FFSG). Cette plateforme qui réunit plusieurs organisations de la société civile a dénoncé le traitement réservé aux enseignants contractuels, lors d’une conférence de presse le 12 juin. Le FFSG envisagerait des actions, pour exprimer « fort » son soutien à ces enseignants qui ont manifesté récemment, pour réclamer le paiement de sept mois d’arriérés de primes.
Le coordinateur du FFSG, Abdoul Sacko, s’insurge contre le manque de solidarité à l’endroit des enseignants contractuels. « La situation dans laquelle ils sont montre à suffisance que notre devise Travail-Justice-Solidarité n’a absolument aucun sens (…) Comment concevoir que des gens qui ont accepté de maigres moyens, de maigres salaires, qui ont abandonné leurs familles, leur plaisir, leur loisir, pour aller dans les villages avec un million de francs guinéens, soient abandonnés sans qu’on ne se lève pour dire stop ? (…) Aujourd’hui, le travail ne compte plus, parce que ce n’est pas le travail qui est payé. C’est votre capacité à porter une parole politicienne, c’est votre capacité à être un soutien politicien qui fait que vous bénéficiez des largesses de l’État. Sinon, honnêtement, si le travail avait du sens, le Guinéen ne devrait pas rester silencieux face à (la situation) » de ces enseignants qui ne percevaient qu’un million de francs guinéens le mois, pour travail quotidien et à plein temps. Selon Abdoul Sacko, ils sont de « véritables soldats » transformés en « mendiants. C’est gênant quand on voit l’État s’enorgueillir après avoir abandonné des gens pendant huit mois, on prend comme un trophée de guerre parce qu’on va les payer deux mois. Quelle pire manière de traiter les travailleurs ! Où est la justice ? Il est temps que nous nous donnions les moyens, pour sortir nos enseignants contractuels de cette mendicité…», a lancé le coordinateur.
Récemment, les ministères de l’Administration du territoire et de la Décentralisation et de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation, après une mission sur le sujet de ces enseignants, ont dit avoir décelé « de faux diplômes », entre autres. Malgré tout, le gouvernement avait promis de payer les primes avec rappel des arriérés à ceux qui ont été « réguliers devant les élèves et qui travaillent effectivement dans les collectivités ».
Mais pour Boubacar Biro Barry syndicaliste membre du FFSG, « on ne peut pas mettre en cause la qualification d’un enseignant, sans qu’elle ne soit prouvée du point de vue de l’emploi. Nous défendons des gens traités de façon injuste et peu honorable pour ne pas dire indigne ».
Solidarité ?
Le SLECG d’Aboubacar Soumah, au temps d’Alpha Condé, avait lancé une grève pour réclamer un salaire de 8 millions de francs guinéens pour chaque enseignant. Ces « enseignants contractuels se sont arrangés avec le pouvoir, pour aller enseigner à la place des grévistes. Ne pensez-vous pas qu’aujourd’hui qu’ils sont tombés dans leur propre piège ? » souligne un journaliste. En clair, ces enseignants contractuels n’avaient pas été solidaires de la grève déclenchée par Aboubacar Soumah, qu’Alpha Condé avait traité alors de « rebelle ». Boubacar Biro Barry reprend le micro : « On ne peut pas soigner le mal par le mal. Aujourd’hui, on a un mal en face, on ne peut pas utiliser un autre mal pour le soigner. Ils sont dans une position d’être aidés, d’être soutenus, nous les soutenons, le reste viendra après. Parce qu’il y a ces arriérés-là dont il faut dissocier de l’engagement. Cet engagement est assujetti à une présentation de diplômes de l’ISSEG, de l’ENI (…) Nous ne sommes pas victimes de ces enseignants, nous sommes leurs défenseurs. Donc, on n’a pas à se substituer à un syndicat, ou à l’Etat, pour dire c’est bien fait pour vous, vous n’avez que vos yeux pour pleurer. Nous, nous cherchons à rétablir la justice sociale. »
Le coordinateur du FFSG, Abdoul Sacko, juge intéressante la question, « parce que, dit-il, c’est le mal en Guinée aussi ». Généralement, poursuit-il, « nous défendons le droit, les valeurs et les principes en fonction de la tête de celui qui est en face de nous. Les gouvernants profitent de cela pour dire : Hier, tel t’a fait cela, laisse-moi le détruire. Toi tu croises les bras, oubliant après ce dernier, la prochaine victime, ce sera toi. » Il pense que les Guinéens doivent se départir de ces considérations partisanes, pour être solidaires et pour ne défendre que le droit, quel que soit le transgresseur, quelle que soit la victime. Sinon, ils resteront dans un cercle vicieux, ils seront tous servis à tour de rôle, ils seront des perpétuelles victimes ».
D’autres actions pour soutenir ces enseignants
Après sa conférence de presse qu’ils ont appelée « interpellation de la conscience collective », par groupe thématique, les membres des FFSG vont prendre attache avec les « défenseurs des droits humains, les syndicats, pour que chacun soit mis devant sa responsabilité », a affirmé Abdoul Sacko. Aussi, avec les enseignants contractuels, le FFSG va définir des actions, mais son agenda « ne dépendra pas forcément » de ces derniers.
Pourquoi, c’est maintenant qu’il faut soutenir les enseignants ? « Il n’est jamais trop tard, pour bien faire. En matière des droits de l’homme, il n’est jamais tard pour bien faire », a répondu Ibrahima Aminata Diallo, le président de la CONAPED (Coalition nationale des associations pour la paix et le développement).
Mamadou Siré Diallo