Divers chantiers annoncés ou démarrés dans la ville de Karamoko Alpha mo Labé, par le gouvernement ou la commune, projets, conséquences du gel prolongé des fonds de la mairie, défis de la digitalisation, mais également son avenir politique…le maire Mamadou Aliou Laly Diallo a reçu La Lance, le 27 mai, pour une interview exclusive.
La Lance : La ville de Labé est en chantier, pourriez-vous nous en faire le point ?
Mamadou Aliou Laly Diallo : On a assisté à la pose de plusieurs premières pierres : rénovation de l’aérogare et constructiond’un hôpital régional de référence récemment. Avant, il y a eu le démarrage du bitumage de 15 km de voiries urbaines. Pour ce dernier projet, les activités ont repris depuis la visite du Président de la Transition à Labé (20-21 avril dernier). Nous sommes désormais en contact avec Guicopres, l’entreprise adjudicatrice. A chaque fois que des équipes viennent, on nous explique l’évolution des travaux. Vous remarquerez que les travailleurs sont sur le terrain. En revanche, les travaux au niveau de l’aérogare n’ont pas débuté, deux mois après la pose de la première pierre.
Savez-vous pourquoi ?
J’ignore ce qui retarde, alors qu’ils devraient durer un an. J’ai essayé d’en savoir avec le gouverneur de région qui s’implique beaucoup, mais nous n’avons pas d’informations dessus.
Est-ce dire qu’avant, vous n’aviez pas de contact avec Guicopres ? Est-ce pour cela que les travaux traînaient ?
Pour rappel, les travaux du bitumage des 15 km de voirie ont été lancés depuis décembre 2018 par l’ex-président Alpha Condé. De cette période à octobre 2021, on avait moins de 7 km réalisés. Après la prise du pouvoir par le CNRD, les travaux ont continué de traîner. Nous nous sommes impliqués, le gouverneur et moi, pour qu’ils reprennent enfin. Récemment, des missions sont venues nous annoncer le bitumage d’autres axes. Le Président de la Transition a même donné des consignes fermes afin que celui qu’il avait emprunté (du Stade El Hadj Saïfoulaye Diallo à l’hôpital régional, en passant par le rond-point Hoggo Bouro et le carrefour Bilaly) pour se rendre à la prière (de l’Aïd-el fitr) soit rapidement reconstruit, tellement qu’il était impraticable.
Après son départ, nous avons reçu des missions venues nous annoncer d’autres lots. L’un d’eux porte sur la construction de 20 km d’autoroute deux fois deux voies : rond-point Tinkisso- Garambé, sur la nationale Labé-Pita (11 km) et rond-point Tinkisso-camp El Hadj Oumar Tall, sur la route Koundara-Sénégal (9 km). Avec l’actuel gouverneur, à chaque fois qu’il est question d’infrastructures, il demande à ce qu’on implique la commune urbaine. C’est nous qui déterminons les axes à bitumer. Les topographes sont en train de procéder aux études sur le terrain. Nous avons déjà signé le procès-verbal. Ce sont deux axes sur lesquels la circulation est plus dense. Si le projet est exécuté, il ne nous restera que les axes Labé-Mali et Labé-Tougué. Une autre mission est passée pour le bitumage de 10 km, dont les axes prioritaires ont été identifiés par la mairie. Nous avons indiqué deux à trois autres transversales, toujours à l’intérieur de la commune urbaine, qui relient les différentes routes nationales (Labé-Pita vers Conakry et Labé-Koundara). Si ces projets aboutissent, la ville sera complètement désenclavée.
On remarque que la maison des jeunes, la radio rurale, un centre d’hémodialyse… sont également en chantier…
Les travaux avaient commencé au niveau de la maison des jeunes, avant de s’arrêter d’un coup. Pour que la commune veille, contrôle l’exécution, il faudrait que nous participions au processus de passation des marchés, qu’on ait accès au cahier des charges. On ignore comment le marché a été passé. La pose de la première pierre a été effectuée par le Directeur national du patrimoine bâti public, on nous a présenté l’entreprise adjudicatrice. Mais vu que la maison des jeunes est directement gérée par la préfecture, parfois dès qu’on commence à s’y intéresser, on nous répond que ça ne relève pas de nos compétences. Néanmoins, les travaux devraient avoir été exécutés à 50 %. Après la pose de la première pierre le 17 mai, nous n’avons pas encore constaté le démarrage du chantier.
La commune urbaine a par ailleurs engagé des chantiers sur fonds propres. Avec l’appui de l’Anafic, nous avons entamé la rénovation du complexe scolaire Hoggo Bouro. Les anciens élèves de l’établissement, l’Unicef et les ressortissants de Labé aux Etats-Unis se sont beaucoup impliqués. Le chantier est à 60 % d’exécution. Le complexe, qui réunit le primaire, le collège et le lycée, comprend au moins huit bâtiments, dont un R+1. L’activité est à l’arrêt, parce que notre compte bancaire est toujours gelé. Nous le déplorons. Cela impacte le bon déroulement des cours.
Qu’est-ce qui justifie le gel de vos fonds, plus d’un an après le putsch ?
Cela fait bientôt deux ans ! On a même un courrier dans le circuit. Pendant le ramadan, le ministre de l’Administration du territoire était à Labé. Il a rencontré tous les maires et sous-préfets de la région. Il nous avait expliqué beaucoup de choses, prodigué des conseils et promis de dégeler les comptes dès son retour à Conakry. Au niveau de la Région administrative de Labé, seules six collectivités sont encore dans cette situation : dont les communes urbaines de Labé, Tougué et Lélouma ; celles rurales de Garambé et de Kaalan.
Nous avons également rénové l’école primaire de Kouroula qui a été le premier établissement scolaire de Labé construit en 1901. Elle a formé Yacine Diallo, premier député de la Guinée à l’Assemblée nationale française, Saïfoulaye Diallo, premier président de l’Assemblée nationale guinéenne, Siradiou Diallo… Nous avons construit trois nouvelles salles de classes, toujours avec l’appui de l’Anafic et de l’Unicef. On en a fait autant pour l’école primaire de Donghol Dayèbhè, en construisant trois nouvelles salles pour compléter le cycle primaire, des logements, une clôture, des toilettes et de l’adduction d’eau.
Vos perspectives ?
Pour décongestionner la ville, nous souhaitons achever l’aménagement d’une grande gare-routière dans le quartier Safatou 1 (ouest). Nous avons un problème de gestion de déchets liquides depuis un an et demi. Nous avons entamé l’aménagement d’une station de traitement à Thialakoun.
Un site problématique souvent récusé par les riverains…
Nous avons réussi à acheter un domaine, lancé l’appel d’offres et le marché a été adjugé. Nous n’attendons que le dégel des comptes pour démarrer les travaux.
L’autre projet en cours, c’est la digitalisation. C’est une exigence du monde moderne, de la transparence, de la bonne gestion. Nous avons créé une base de données, pour centraliser tous les travaux de la commune : collecte des taxes, mobilisation des ressources. Aujourd’hui, la plupart de nos contribuables sont déjà recensés. Cela a nécessité de recruter une quinzaine de jeunes. Les taxi-motos doivent payer un droit de stationnement à la commune. Parallèlement, il y a la taxe d’habitation qu’on ne payait pas et que le CNRD a décidé de relancer. On est en train de tout numériser. Sans données exactes, pas de gestion. Les rencontres internationales auxquelles j’ai participé ont achevé de me convaincre qu’il faut se débarrasser des méthodes archaïques. Cela requiert le recrutement de techniciens, les seuls à pouvoir accompagner le développement d’une collectivité. Le Conseil communal n’en a pas la compétence.
Vous n’oubliez pas l’état-civil, l’enregistrement des naissances et des décès ?
On est très avancés et équipés à ce niveau également. Le seul problème est que les populations peinent à comprendre le processus. Nous avons pourtant beaucoup communiqué dessus. J’en profite pour leur dire que tout est biométrique maintenant, il faut venir s’enregistrer.
Comptez-vous rempiler pour un nouveau mandat ?
Notre ambition, celle de notre leader politique, c’est de contribuer au développement de notre ville. C’est un parti politique qui nous a portés à la tête de la mairie, à travers des élections. Nous avons beaucoup de projets, un carnet d’adresses bien rempli. Si la décentralisation devient effective, elle ne l’est pas encore, il y a beaucoup de facteurs de blocages qui empêchent les collectivités de travailler…les compétences sont transférées, sans les moyens techniques et financiers. Après notre élection en 2018, on devait mettre en place un Conseil régional pour déclencher un véritable développement. Si le parti et les populations de Labé nous renouvellent leur confiance, pourquoi pas continuer nos projets pour le bien-être de tous ?
Interview réalisée à Labé par
Diawo Labboyah Barry